Science sans conscience...
Chappie. Derrière ce titre infantile et un tantinet ridicule se cache en réalité une œuvre de science-fiction complète et profonde, à la fois modeste mais ambitieuse, qui vient ajouter une brique solide à l'édifice filmographique du décidément talentueux Neill Blomkamp.
Le réalisateur sud-africain a en effet la capacité rare d'écrire et de réaliser ses propres histoires de SF, à l'heure où les grands studios sont dominés par la logique des licences et des remakes ; réussissant au passage le double pari d'être ambitieux tant sur le fond que sur la forme (il a une formation en effets spéciaux), tout en ayant la modestie de rester à hauteur d'homme, ou à tout le moins à hauteur d'Afrique du Sud.
Car Blomkamp n'oublie pas d'où il vient, et Johannesburg est le lieu où se noue ses intrigues. De fait, ses œuvres trouvent un second intérêt, celles d’œuvres culturelles, de regard particulier sur une société sud-africaine complexe, où les tensions sont exacerbées, mais qui parle au final le langage universel des sociétés urbaines.
Ainsi, plus que de parler seulement d'intelligence artificielle (ce qui est le cœur du film néanmoins), Blomkamp, après avoir traité l'apartheid et les inégalités raciales (District 9), les inégalités socio-économiques (Elysium), s'attaque dans Chappie à la jungle criminelle d'une capitale au bord du chaos et de l'insurrection urbaine (l'occasion de nombreux clins d’œils à Mad Max dans les looks des gangsters).
Dans ce contexte et cette trame de fond, l'histoire principale est celle de Chappie, un droïde policier à qui son créateur à télécharger la première réelle conscience artificielle. Élevé par des gangsters de Soweto et par son créateur, Chappie va vivre une enfance accélérée sur 5 jours, pour appréhender le monde, faire ses choix, et définir bien et mal.
Ce troisième long-métrage de Blomkamp est en quelque sorte une réponse à Terminator ou Matrix et leurs visions très pessimistes des I.A. Le message, si l'on devait le résumer, c'est que c'est avant tout ce qu'on en fera. La conscience de Chappie est vierge de certitudes à son activation, comme celle d'un enfant, et c'est ses interactions avec autrui qui forgent son caractère. Chappie, personnage en motion capture (joué par Sharlto Copley, le chouchou du réalisateur) incroyablement attachant, manque de devenir "enfant-soldat" sous l'influence des mauvaises personnes ou de mauvaises intentions (ce qui, dans un pays frontalier du Mozambique, Zimbabwe ou encore du Swaziland, prend davantage de sens encore). Un postulat de SF qui se mélange à d'autres, et qui confère à l'ensemble une richesse que la promo poussive et l'étiquette de "comédie" sur les affiches rendaient insoupçonnée.
Le tout est chapoté par l'épique, l'orchestral, Hans Zimmer, à la musique. Que demande le peuple ?