Chappie, on sentait dès la bande annonce que c'était perdu d'avance. Remplaçant les aliens en images de synthèses par des robots en images de synthèse, on assistait déjà à l'échec total de Blomkamp de se renouveler, repompant largement dans l'univers de ses deux premiers films pour nous fagoter un clone mal dégrossi de Robocop. Mais humain celui ci, puisque la bande annonce mettait bien en avant les sentiments de sa créature et le côté initiatique du film. Ca commence fort ! Des flashs infos comme dans district 9 ! A côté de Johannesburg, Detroit, c'était de la rigolade. Pour lutter contre le crime, un programme de robot policier est mis en place et fonctionne très bien. L'ingénieur Deon en charge de ces robots, les Scouts, veut pousser son concept d'intelligence artificielle plus loin. Mais Vincent, un autre ingénieur de la compagnie voulant faire créer des ED 209 (le pompage question design est a-bu-sé) et jaloux l'espionne. C'est lorsque notre génie dérobe un robot pour tester son programme qu'il est... enlevé par des punks qui lui demandent de leur laisser le robot vivant... Quoi ? Bon, déjà, je suis sûr que certains vont dire qu'il s'agit d'un projet "original" (comme Avatar). Mais si c'était un reboot non déclaré de Robocop qui faisait des efforts, on apprécierait... Là, on sombre dans les abîmes de la nullité, genre L'homme bicentenaire !

Blomkamp, par les ingrédients qu'il manipule, met toujours la barre très haut. Et c'est cela qui rend ses derniers films de plus en plus décevants quand on constate la maladresse incroyable de ses scénarios. On ne peut pas prétendre faire de la SF intelligente en se révélant aussi grossier. Passe encore que Chappie manifeste son humanité à coups de Yo peau d'zob !, check m'en 5 !, j'vais niquer ta race et autres gourmandises vocales, c'est le degré de nullité du registre sentimental qui choque. Pourquoi les films qui prétendent redéfinir ce qu'est l'humanité sont souvent les plus mauvais en la matière ? D'une naïveté si stupide qu'on soupire à chaque fois qu'on assiste à une scène sentimentale avec une musique d'ambiance électro triste, du genre Chappie aime maman, Chappie veut une histoire, Chappie ne veut pas mourir et être un homme ! Avec un ton larmoyant et une dramatisation complètement artificielle (l'agression de Chappie par des racailles, qui crie genre il souffre alors qu'ils ne font grand maximum que rayer la peinture, et la conclusion inévitable que le monde il est méchaaaaant ! Rah ! Cependant, il faut en effet reconnaître que c'est Chappie qui est le plus humain, les punks qui l'élèvent étant des stéréotypes appuyés des punks drogués sans cervelle dont l'humanité consiste à afficher une superficialité de tous les instants. Des punks qui valent d'ailleurs ceux du robocop de Verhoeven, et qui même les surpassent. On est en Afrique du Sud, mais ça ressemble davantage à Mad Max II en leur compagnie. Le second degré nanar de Verhoeven passe ici beaucoup moins bien, les tentatives humoristiques du film se soldant davantage par des bides ou du mépris (le dépouillement des riches dans leurs quartiers, où avoir une voiture de luxe et se la faire tirer par un robot est sujet à humour et sans la moindre conséquence ultérieure). On sauvera de ce bourbier la prestation de Dev Patel et de Hugh Jackman (globalement bon dans ce rôle mauvais).

Le plus grave, c'est donc le scénario, qui s'articule sur des enjeux tellement stupides qu'on soupire de voir un tel matériau gâché. En gros, on aura principalement deux axes : Chappie qui devient un gangsta (yo tu baises pas mes potes) et Hugh Jackman qui emmerde le créateur du robot et qui est méchant. Voilà, c'est résumé. On ne dénombre plus les incohérences qui parsèment le scénario (Chappie fait le tiers du film avec sa batterie à plat sans tomber en panne, l'ED-209 explose avec une simple grenade accrochée à son armure frontale, le coup du logiciel virus Genesis qui est laissé de côté par la conclusion, le génie n'arrive pas à faire marcher son logiciel alors il boit un red bull et il pianote sur son ordi en regardant des images et là ça marche...), plus horrifié par l'inutilité totale de ce travail que par cette peinture d'humanité superficielle au possible et manichéenne à outrance. Chappie ne sert à rien ! Même Transcendance se révélait plus intéressant malgré son traitement désastreux. Cette colossale perte de temps démontre à quel point Blomkamp tourne en rond et ne sait plus rien faire de nouveau. Il ne pouvait réussir qu'un seul film : District 9. Et maintenant, il n'a plus la moindre idée de quoi faire, son génie s'est consumé. Quand on constate qu'il ne se casse même plus la tête à chiader des détails marrants (le démembrement d'un punk au mecca, seule innovation divertissante dans l'univers technologique du combat futuriste), on ne pleure même plus, on se détourne. Plus la peine d'espérer, Neil Blomkamp est fini, et son style ne mène plus à rien.

Le dernier espoir de l'humanité n'est pas humain, dites-vous ? Sans doute veulent-ils parler du dénouement trompe-la-mort qu'on sentait venir à 3 bornes... L'espoir serait plutôt de trouver fissa un nouveau prodige de la SF, ou enfin refiler à Neil le projet de Halo histoire qu'on n'en parle plus...

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le 4 mars 2015

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Voracinéphile

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