Troisième film de Neill Blomkamp après District 9 et Elysium, Chappie nous propose encore une fois un univers décadent, sale, qui prend place à Johannesburg. Dans un monde presque futuriste - nous sommes en 2016 et il y a déjà une police robotisée - on suit l'évolution de Chappie, premier robot capable de ressentir doué d'une véritable intelligence. Il devra faire face, entre autres, à l'éducation décadente des personnages peu fréquentables joués par Die Antwoord, et à la coupe mulet de Hugh Jackman.
Oui, Chappie, si on ne le regarde pas avec le bon oeil, a de gros défauts de blockbusters. Oui, Chappie, lors de sa première demi-heure, m'a fait très peur, oscillant entre le statut de sous-District 9 et celui de Elysium 2 - à vous de choisir lequel était le moins pire. Mais le film se met en route, et surtout Chappie rentre en jeu, et c'est là que le film trouve véritablement son identité. Pas quelque chose d'aussi crade et manichéen qu'Elysium, ni quelque chose d'aussi allégorique que District 9; quelque chose d'autre. Alors bien sûr, on retrouve un peu de ces deux films, mais majoritairement pour le mieux.
Avec Chappie, Blomkamp dépasse les antagonismes pour nous offrir quelque chose d'émotionnellement encore plus fort qu'avec District 9: on retrouve certes cette figure de l'être détesté qui devient aimable à nos yeux par une certaine évolution (Wikus, dans D9; Ninja dans Chappie) mais elle est d'autant plus percutante qu'elle m'a rappelée plutôt fortement La Haine. Oui oui, je viens bien de faire une analogie entre le personnage de Vincent Cassel et Ninja de Chappie, car après tout ce sont deux personnages peu fréquentables parce qu'ils n'ont pas ou peu été éduqués, et se font ainsi comme idée du monde un territoire à conquérir, idée qui entretient et justifie leur mégalomanie exubérante et leur envie d'héroïsme.
Je ne dis pas que certains personnages ont tendance à être clichés: j'ai d'ailleurs longtemps cru que le personnage de Ninja ne serait qu'un comic relief; et que dire du personnage de Hugh Jackman, qui à mon sens est le moins abouti du film, tant il fait "méchant standard". J'ai aussi trouvé que la relation entre ce personnage et celui de Dev Patel, Deon, n'est peut-être pas assez travaillée, conférant peu de crédit et d'enjeu au conflit qui les oppose. Je suis parfaitement conscient des défauts de Chappie, et il ne servirait à rien que je les catalogue: je les connais, je les admets, et d'autres ont dû le faire avant moi.
Mais je reconnais quand même au film de Blomkamp, décidément vraiment hétéroclite tant il alterne entre le vraiment bon et le vraiment mauvais, qu'il rattrape bien son coup: je pense que s'il m'a réellement plu, c'est d'abord parce que les qualités du film sont plus nombreuses que les défauts, voire les compensent (un peu comme World War Z, d'ailleurs). Bien sûr, la mise en scène et la réalisation du réalisateur sud-africain pour ce film ne sont pas d'un génie révolutionnaire en terme d'art cinématographique; il n'en reste pas moins que pour un film qui se veut avant tout un divertissement, il nous offre davantage que cela, à travers ces réflexions sur l'intelligence artificielle et même sur l'enfance et la relation robot-homme, le tout enrobé dans des décors, une photographie et une musique, signée Zimmer, particulièrement efficaces.
J'arrive à l'autre point fort de Chappie: si Blomkamp est capable de jongler avec la psychologie de ses personnages avec dextérité, il est aussi capable de les rendre attachants avec une facilité plutôt déconcertante: je prends l'exemple de Chappie bien sûr, avec un sentiment d'attachement créé à partir des comiques de répétition et des scènes de décalage qui rendent compte de l'innocence du robot; mais j'aurais également pu prendre celui de Yo-Landi ou de Ninja, pour leur évolution parfaitement maîtrisée par Blomkamp. On pourra aussi trouver que les dernières scènes, que je n'évoquerai pas ici, sont "too much", et que Blomkamp est allé trop loin dans son délire, délire assez proche de D9 d'ailleurs. Je ne suis pas d'accord avec cet argument: car ici, ce phénomène concerne plusieurs personnages, ce qui éloigne encore un peu Chappie de D9, d'autant plus que certains des personnages ont suivi une évolution positive.
Pour conclure, je ne peux que vous conseiller d'aller voir Chappie, tant Blomkamp parvient encore une fois à m'étonner - et c'était pourtant mal parti. Il arrive à dépasser District 9, jusqu'ici son oeuvre majeure, pour frapper encore plus efficacement dans ses thèmes habituels, avec une force qui ne s'essouffle toujours pas, malgré ce qu'on pouvait craindre avec Elysium. Réalisateur à suivre donc, d'autant plus qu'il semble nous concocter un Alien 5 plein de promesses.