Yann Moix se compare volontiers à Terry Gilliam et son Man who killed Don Quixote quand il parle du calvaire qu'a été le tournage de Cinéman : acteurs qui abandonnent le projet, remplacés par d'autres moins qui ne se supportaient pas, infarctus du chef op, conditions météos catrastrophiques... Le tout aboutissant à un montage de 18 mois et une réécriture totale du film et des dialogues, ce qui explique un lipping digne d'un film doublé en polonais. Certes, le Moix n'a pas eu de chance sur la création de ce projet... Mais Terry Gilliam, vraiment ?
Car il y a dans le tournage impossible du Don Quixote, illustré par l'excellent Lost in La Mancha, les fondations de ce qui aurait pu être un grand film : un casting magique, des idées de mise en scène, une véritable énergie de plateau qui, envers et contre tout, voulait que le film voit le jour. Cinéman est l'antithèse de tout ça. Que Moix n'aie pas eu de bol est une chose, que la base même du projet ait été vicié par son ego en est une autre. C'est l'ego de Moix qui a mis le duo Poelvoorde/Dupontel hors du jeu, c'est son ego de se frotter aux plus grands (Kubrick, Murnau, Scorsese, Leone, entre autres) qui rend le film indigeste, c'est son ego de ne pas assumer la catastrophe finale et essayer de trouver une solution cinématographique qui rend le film détestable à regarder/écouter avec ses problèmes de synchronisation, palpables jusqu'aux différences perceptibles (même sur une petite TV comme la mienne) de niveaux sonores entre sons directs et enregistrements en studio.
Moix est, dans ce film, la caricature même du mauvais cinéphile, celui qui voit beaucoup de films sans en comprendre le fonctionnement. Le gros plan chez Leone ne se fait pas n'importe comment, Barry Lyndon ne se résume pas à ses costumes et décors, et je ne parlerai pas de cette lumière dégueulasse de Taxi Driver. La méconnaissance confine d'ailleurs au mépris quand Moix bousille ce qui reste de la bande son en collant des morceaux musicaux impensables, dont le kitsch le dispute à l'incohérence de le voir illustrer une scène de western ou de Tarzan. Ce ne sont pas là des problèmes de tournage mais bien de scénario, de choix de mise en scène et de postproduction indépendants des couacs que Moix cite. C'est sa seule et entière responsabilité d'avoir eu des idées de merde tout du long.
Le seul intérêt est peut-être de prouver que, non, tout le monde ne peut pas faire du cinéma, et que si certains cinéastes ont marqué l'histoire du septième art de leurs empreintes, ce n'était pas par hasard. Gloire à Moix d'avoir réussi à atteindre l'extrême opposé des chefs-d’œuvre auxquels il a osé se frotter.