Cinquante Nuances de Grey par pierrick_D_

Anastasia Steele,jolie et brillante étudiante en littérature,rencontre par hasard le milliardaire Christian Grey.Elle est aussitôt subjuguée car le type est beau,sympa,intelligent et surtout outrageusement riche.De son côté le nabab n'est pas indifférent au charme acidulé de cette petite gourde à la fois naïve et insolente,et ça sent l'histoire d'amour torride.Sauf qu'il y a un menu problème:Cricri est un fieffé psychopathe maniaque du contrôle et dominateur SM,ce qui n'emballe pas des masses la plus classique Ana,qui va cependant faire quelques efforts pour complaire à son prince pas si charmant.Adapter le best-seller d'E.L. James n'était pas spécialement une bonne idée,particulièrement dans le contexte puritain du cinéma anglo-saxon,d'où ce lancinant exercice de vacuité gouverné par la stratégie d'évitement.On pouvait autrefois faire dans l'érotisme alors que bizarrement,à l'heure du porno à haut débit sur internet,c'est devenu impossible,du moins dans le cadre du cinéma grand public.Il y a par exemple eu dans les années 80 "9 semaines et demi" qui,dans un registre assez proche,était nettement plus osé,sans parler des hits des seventies signés Just Jaeckin comme "Emmanuelle" ou "Histoire d'O".Porno soft,érotisme chic,on appelle ça comme on veut mais toujours est-il qu'on n'hésitait pas à montrer du cul et le spectateur en avait pour son pognon.Là on est dans l'hypocrisie la plus totale avec un film plein de scènes de sexe durant lesquelles on parvient à absolument ne rien montrer.Le cadreur aurait amplement mérité un Oscar tant sa dextérité à éviter la représentation des corps relève de l'exploit.Quant à l'aspect "scandaleux" de l'affaire,à savoir la mise en avant des pratiques sado-maso,il prête plutôt à rire avec ses deux-trois séances de fouet et de ligotage tellement sages et édulcorées qu'il y a fort à parier que les enfants des écoles ont vu bien pire depuis longtemps.Pour l'érotisme donc,c'est une arnaque,mais la quête du vide des auteurs ne s'arrête pas là.En effet,le postulat de départ aurait pu donner lieu à un tas de développements divers et variés concernant les rapports de force dans le couple,les déviances plus ou moins admises,les limites qu'on peut ou non dépasser,le don de soi que peut entraîner l'amour et même l'influence de l'argent sur les comportements,car il n'est pas interdit de penser que la belle enfant ne se serait pas révélée aussi conciliante avec un smicard fauché.Mais que nenni,le script s'arrange pour ne traiter de strictement rien et se contente d'étirer langoureusement une pauvre romance au "Grey" des errements psychologiques totalement inintéressants d'une oie blanche chouinarde et d'un vicelard tenace tout aussi hésitants et versatiles l'un que l'autre.Ana ne veut pas,et puis si,et puis elle change d'avis mais Chris revient à la charge en faisant des concessions,alors la fille veut bien essayer deux ou trois trucs pas clean,mais décidément c'est trop dur alors elle déclare à nouveau forfait,et ainsi de suite.Néant scénaristique,imbécilité des dialogues et des situations,l'ennui profond s'installe et frappe de stupeur un spectateur hébété qui croyait que ça allait baiser.Mais faut pas rêver,les producteurs n'avaient pas envie d'écoper d'une -18 qui aurait flingué la carrière du film.Alors ça meuble comme ça peut au fil des séparations et des réconciliations des amants terribles.Il faut dire qu'on fait pas mal de trucs marrants avec Cricri,de l'hélico ou du planeur,appareils qu'il pilote lui-même car le gars a de la ressource et des moyens qui lui permettent d'offrir à sa dulcinée une bagnole de luxe,un ordinateur ou une édition rarissime de Thomas Hardy,et ce dans des délais records parce qu'il n'est pas du genre à mégoter et à perdre son temps,qui comme chacun sait est de l'argent.Le bon côté de l'entreprise,c'est qu'au moins on ne sacrifie pas au féminisme militant bien que la romancière et productrice,la réalisatrice et le personnage principal soient des femmes.Enfin c'est plus compliqué que ça car Anastasia est à la fois rebelle et soumise,on ne sait pas trop et elle non plus apparemment.Dakota Johnson a vraiment l'air d'une idiote mais elle est carrément craquante,ceci expliquant peut-être cela,en tout cas on se consacrerait bien à son initiation.Le mannequin anglais Jamie Dornan,très bon en serial killer dans la série "The Fall",semble un peu décontenancé d'être là et se compose laborieusement une tête de pervers,le genre à mater dans les chiottes publiques ou à zieuter par les trous de serrure,effet comique garanti.Il est à remarquer que Kim Basinger,la star de "9 semaines et demi",apparaîtra dans "50 nuances plus sombres",la suite de ce premier volet de la trilogie du nuancier.