Les petites nuances de Fatpooper
Deux petites précisions. Je n'ai pas lu le livre. J'ai vu une version coréenne et donc censurée de ce film.
Je m'attendais à bien pire que ça !
Ce qui m'a plu dans cette histoire, c'est cette relation exclusive entre les deux protagonistes, c'est-à-dire qu'on ne voit pratiquement pas les autres personnages. Un tel radicalisme, ça fait plaisir quand même, et c'est carrément couillu ! Ensuite, l'univers présenté est plutôt sympathique. J'aime aussi le fait qu'on commence et remine aussi abruptement. Bon, pour la fin, c'est certainement parce qu'il y a une suite. N'empêche que terminer le film comme ça, ça me paraît pertinent par rapport à l'histoire : puisqu'on commence lors de la rencontre, quoi de plus normal de finir à la rupture, sans s'éterniser.
Ce qui m'a embêté dans tout ça, c'est le manque de conflits. Bien que Mlle Steele (malheureusement pas parentée à Rachel) soit un personnage en permanence en conflit intérieur, on ne ressent pas assez les obstacles ; elle hésite, elle est même passive et soumise, ce qui colle au personnage, mais puisqu'elle se contente d'observer la plupart du temps, difficile de s'identifier à elle. Dans son hésitation, on ne ressent pas assez la possibilité de refuser tout cela. En même temps c'est ce qui fascine dans ce personnage, la manière dont elle ne peut se refuser à l'emprise de Grey, la manière dont elle accepte de pénétrer dans le monde de ses fantasmes.
Le personnage de Grey est nettement plus riche, mieux construit. Son évolution est bien plus intéressante alors que celle de Anastasia est trop brutale, on ne ressent pas de transition d'un état à l'autre. D'ailleurs les 20 dernières minutes m'ont paru bien trop abruptes. Par faute de temps? Probablement car il ne se passe pratiquement rien pendant l'heure trente qui précède, ce qui est un peu dommage, et puis tout d'un coup la demoiselle semble se réveiller. Dommage de n'avoir pas su amener cela de façon plus progressive. Ce n'est pas non plus qu'on s'ennuie pendant tout le film, certaines scènes entre les deux personnages sont fortes, mais on attend toujours que ça aille plus loin.
Le fait est, ça reste un peu soft. Tout d'abord, parce que c'est censé parler du monde SM et qu'on n'a pas trop l'impression que l'auteur connaisse son sujet (pareil pour le monde de la littérature qui résume les étudiantes dans le domaine comme des romantiques...). D'ailleurs, le monde du SM reproche au film de donner une mauvaise image de cette pratique. Mais un bout d'un moment, j'ai réussi à sortir de ce mode de pensée, celui comme quoi le film nous dépeint une relation SM, et ce pour me dire qu'on parle simplement de deux individus en particulier, donc pas de la manière dont on pratique cela en général... Et pour cela, donc, je trouve le personnage de Grey assez captivant, avec ses règles, son besoin de contrôle paradoxalement à son impuissance face à Anastasia.
J'ai mentionné la quasi absence de personnages secondaires. Les rares apparitions de la meilleure amie sont d'une pauvreté absolue. J'ignore si c'est pareil dans le bouquin ou pas, en tous cas on dirait que ces scènes ont été écrites pour rassurer les jeunes filles par rapport à l'amour, notamment au travers des conseils et autres remarques qui sont donnés sur l'amour ("ne te presse pas", "oui tu as changé"). En même temps, cette idée n'est pas totalement mauvaise non plus, car cela participe de la naïveté qui fait toute la construction de l'héroïne : elle ne connaît rien au sexe ni à l'amour. Mais dans ce cas, ce n'est pas poussé assez loin. La famille de Grey est aussi intéressante, mais une fois de plus, le traitement laisse à désirer : on aurait voulu en savoir plus sur le rôle d ela mère surtout, et puis ce frère qui ne sert à rien et qui aurait pourtant pu amener un intéressant conte-point.
Beaucoup d'autres scènes auraient pu être poussées plus loin. En ce qui concerne les scènes de sexe, puisqu'elles sont censurées dans ma version (et maladroitement en plus, c'est honteux ! En gros, les coréens raccordent par rapport à la musique, tant pis si à l'image ça donne pour résultat un découpage scabreux... et même par rapport à la musique on entend une coupure ou on remarque un léger changement de rythme), je ne peux pas vraiment dire si elles auraient pu être poussées plus loin. j'en ai vu assez pour voir qu'il la fouettait suspendue, ce qui n'est déjà pas si mal, mais je pense que ces scènes sont trop rares.
Il y a aussi un côté premier degré qui fait sourire. Pour moi, ce n'est pas un mal. C'est un peu comme une bonne série B où les dialogues rentre-dedans plaisent ; ce qui m'a vraiment fait rire, c'est la manière dont le pouvoir est traité, surtout sur la fin, quand elle dit non et qu'il stoppe, comme si elle avait un pouvoir magique qui l'empêchait de se mouvoir vers elle (elle a le bras tendu vers lui si je me souviens bien).
Niveau mise en scène, c'est assez propre, bien filmé, pas trop de maladresses. Les acteurs jouent plutôt bien. Dommage pour le manque de nuances dans le jeu de Dakota, mais en même temps son personnage met tellement de temps à évoluer... en revanche, l'acteur principal est parfait pour le rôle. Ce que je regrette le plus, scéniquement parlant, c'est la musique bien trop présente. Quelques morceaux sympas, qui collent bien au rythme du film, à l'ambiance, mais une musique que l'on trouve à chaque scène. Je crois que seule 1 scène sur 5 n'est pas mise en musique...
Bref, un film pas si dégueulasse que je l'aurais cru, un peu comme la saga "Twilight". Il y a clairement un manque d'approfondissement de certaines scènes, de même que ça manque d'enjeu et que l'héroïne est traitée superficiellement, mais il y a de bonnes idées qui auraient vraiment pu plaire si elles avaient été poussées plus loin.