Colorado
7.4
Colorado

Film de Sergio Sollima (1966)

Des western spaghettis, l’Italie en a pondu des tonnes dans les années 60 et 70, au point qu’il est parfois difficile de s’y retrouver et de savoir par où continuer une fois qu’on a vu les classiques de Sergio Leone et sa trilogie du dollar. Après vous avoir parlé de Django (1966) et Sabata (1969), voici un autre spécimen du genre qui vaut clairement le détour, Colorado (1966), un des premiers westerns avec Lee Van Cleef en tête d’affiche et réalisé par Sergio Sollima (Le Dernier Face à Face, Saludos Hombre) considéré comme l’un des trois réalisateurs phares du western spaghettis aux côtés de Sergio Leone et Sergio Corbucci. Mais Colorado n’est pas un western tout à fait comme les autres, il est bien plus engagé, bien plus « gauchiste » comme on peut le lire ci et là, en s’intéressant beaucoup plus à la lutte des classes et abordant des sujets relativement graves. Et c’est grâce à cela, malgré quelques égarements, qu’il va se détacher de la masse et qu’il va valoir le coup d’oeil.


Considéré comme un des meilleurs westerns spaghettis par Quentin Tarantino (libre à chacun de faire ce qu’il veut de cette information), Colorado va mettre en vedette le génial Lee Van Cleef, son jeu posé et son charisme de fou. Toujours la classe en toutes circonstances, cet acteur était clairement fait pour le western. Il incarne ici Jonathan « Colorado » Corbett, un homme impitoyable mais qui n’agit pas comme souvent par vengeance. Son dada à lui, c’est la soif de justice, et lorsqu’il apprend qu’un mexicain sans foi ni loi aurait violé puis tué une fillette de 12 ans, il décide de le traquer et de rendre justice une dernière fois avant de se lancer en politique. Colorado aborde des sujets pas très rigolos. Il y a cette histoire de viol sur mineur qui va être le déclencheur de l’histoire mais pas que puisque la toile de fond du film sera clairement la lutte des classes. D’un côté, les riches, les classes dirigeantes, les policiers corrompus, les propriétaires américains, qui se croient tout permis, toujours au-dessus des lois. D’un autre côté, les pauvres, ceux qu’on exploite quel que soit leur âge, ceux qui ne sont rien aux yeux des premiers, survivants comme ils le peuvent, réduits à l’état de bêtes. Un état dû à la discrimination sociale, raciale. Et au milieu, Jonathan Corbett, complètement neutre, qui n’a d’yeux que pour la justice, la vraie, celle qui dépasse le clivage des classes. Mais surtout Colorado est un film où le faible péon mexicain va prendre le dessus sur le riche américain qui en veut à sa peau, ainsi que sur le cowboy blanc qui a été envoyé à ses trousses. La revanche du faible sur le fort. Et à l’époque, ce n’était pas si courant. Il faut dire que le scénariste Franco Solinas (État de Siège, La Bataille d’Alger, Le Mercenaire) était un marxiste convaincu, ceci expliquant certainement cela. Clairement, Colorado est un western bien plus intelligent et profond qu’il n’en a l’air et qui annonce la vague des westerns révolutionnaires à venir (Le Mercenaire, El Chuncho, Il Était une Fois la Révolution.


La mise en scène de Sergio Sollima est tout simplement sublime. Colorado bénéficie d’un superbe scope, de très beaux cadrages et d’une excellente photographie permettant une fois de plus d’admirer ces magnifiques paysages désertiques du sud de l’Espagne. Mais surtout, le film va bénéficier du savoir-faire d’Ennio Morricone qui, une fois de plus, nous gratifie d’une BO tout bonnement géniale qui donne une dimension vraiment épique à la bobine. Sergio Sollima va essayer de varier au maximum ses scènes afin de pallier un peu au côté rébarbatif de certains westerns. Malgré ça, le scénario va régulièrement s’égarer et proposer des scènes qui au final n’ont que peu d’utilité (le passage dans le ranch tenu par « La Veuve » par exemple) si ce n’est celle d’allonger artificiellement la durée du film. Néanmoins, elles permettent d’appuyer petit à petit la prise de conscience du personnage Colorado sur qui est réellement ce péon qu’il est censé ramener à son riche employeur, sur le fait que les apparences sont parfois trompeuses et qu’il ne faut pas tout miser sur des « on dit ». Sergio Sollima va énormément jouer sur le côté assez fantasque d’un Tomás Milian (Trois pour un Massacre, Le Dernier Face à Face) grimaçant et survolté, qui en fait des tonnes, en opposition au côté très calme et posé de Lee Van Cleef dont le personnage de Colorado aura clairement inspiré, trois ans plus tard, celui de Sabata. Et puis il y a le final, tout simplement épique, avec non pas un, ni même deux, mais bien trois duels qui vont s’enchainer avec une musique éclatante dont seul Morricone a le secret.


Malgré des égarements et des longueurs rendant sa version courte presque plus percutante (1h30 contre 1h50), Colorado fait partie de ces westerns spaghettis qu’il faut avoir vu si on apprécie le genre. Lee Van Cleef y est absolument parfait, la BO de Morricone percutante et le message véhiculé par le film le place clairement au-dessus du lot.


Critique originale : ICI

cherycok
8
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le 9 juin 2020

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cherycok

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