En immersion dans l’univers du western à la sauce road movie, on se retrouve coincé au fin fond du Texas, avec la désagréable impression d’y être piégé et incapable d’en sortir. La zone texane aride et désertique est tellement sinistrée qu’on ne serait pas si surpris de voir débouler Mad Max à la rescousse...


Les personnages de Mackenzie, coincés dans l’intemporel immobilisme de leur pauvre condition, se retrouvent pourtant aux prises d’une urgence qui leur colle aux trousses. Pour payer leurs dettes, ils sillonnent ces grands espaces, arrachés en d’autres temps aux Comanches, semblant tourner en rond dans un bocal.


L’indien, le voleur, le shérif sont sous la coupe du vilain banquier, braqueur du pauvre et surtout intouchable. Ses sbires, pitoyables employés, sont pourtant parfaitement inoffensifs. Car le Banquier avec un grand B est invisible, existe-t-il vraiment d’ailleurs?
Peu importe, les conséquences de ce monde là, amène quatre personnages à se poursuivre, s’éviter, se rencontrer.
Le sujet, actuel et éculé, trouve pourtant dans ce film un nouvel élan.
Dans cet autre monde qu’est le Texas, mêlant richesse et grande pauvreté, se dessine l’autre visage des Etats-Unis, atemporel, coincé entre un passé et un futur en tous points les mêmes.
Les portraits dressés, s’ils paraissent caricaturaux en apparence, se dessinent dans la nuance à mesure que le film avance.


Notre Comanche, garant des temps passés, sourit de voir ce nouvel envahisseur détruire ceux qui lui ont spolié ses terres 150 ans auparavant. Un sourire profondément triste. On est tous le Comanche d’un autre. Il supporte son acolyte, shérif fatigué, pas dupe du rôle qu’il endosse, mais suffisamment têtu pour suivre son cahier des charges.
Le bon, la brute et le truand ont ici des rôles interchangeables et le mal à combattre n’est plus directement accessible. Il n’y a donc pas de happy end possible. Car l’ennemi n’est pas détruit, il n’est même pas blessé.


Dans ce monde, il semble qu’il faille détruire son voisin pour construire, se battre avec son prochain pour survivre. Partout et tout le temps.
Sacrifiés sur l’autel de l’argent et des puissants, nos quatre bonhommes perdus au fin fond du monde s’entretuent pour cela encore, donnant une profondeur vertigineuse aux racines du mal qui les enserrent. Mais la vie continue à l’image de cette vieille femme restauratrice, drôle et fascinante.
Les chevalets de pompage, dociles et silencieux, viennent poser la dose d’ironie finale aux pieds du shérif. Chacun repart avec ses regrets et ses doutes.


Pour les générations futures, l’écart toujours restera, fils de flics tués en vain ou chanceux héritiers d’une terre regorgeant de pétrole. Et l’on peut bien changer de camp sur un coup de chance, le monde restera finalement le même.
Car tout le monde ne peut pas avoir de bol…hein ?

Lili_Lauriau
8
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le 2 janv. 2017

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Lili Pica

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