Il y a des films comme ça dont vous savez déjà juste par le titre, la B.A. et le scénario lu par hasard que vous allez aimer... Beaucoup... Et je le sentais indistinctement...
Et je n'ai pas été déçu ou presque...
Dans l'ancien territoire des Comanches, appelé maintenant Texas, des hommes luttent pour survivre ...
Mais l'ennemi a changé.
Plus d'Indiens hostiles, plus de Comanches ignorants de la peur, mais des banques, des crédits et des emprunts afin d'accéder au rêve Américain ( celui des nouveaux habitants, les blancs ) ... Le rêve de la propriété, de la maison, du mini-ranch et du 4x4 rutilant avec flingue dans la boîte à gants version second amendement de la constitution, tout ce fatras qui hante les fantasmes de la classe sociale déclassée des Red Necks sur la terre aride et chauffée à blanc du Texas en pleine hémorragie d'industries, d'habitants et d'espoirs... Deux frères s'attaquent à des banques pour rembourser l'emprunt contracté par leur mère pour l'achat d'une petite bicoque, mère depuis morte dans la misère et dans l'indifférence des vautours financiers... Des Zorros quoi, nouvelle version quoique... Le plus jeune veut aussi sortir son ex femme et ses deux fils de la misère qui colle aux basques de cette famille depuis des générations comme une maladie vénérienne incurable, comme une programmation quasi inéluctable pour la pauvreté au pays du Self Made Man et le plus agé, lui, habitué des cellules de prisons et des rebellions va plutôt, comme un indien des temps nouveaux affronter ses démons et son inadaptation à un monde incompréhensible à ses yeux... La vie de ce nouveau monde l'ennuie et le rend juste irascible.
Sur leur chemin , il y a un vieux Ranger, au bord de la retraite, le Jeff, le BRIDGES qui va les pister avec son acolyte, indien et sang mélé et souffre douleur de son collègue jamais à court de blagues racistes. Ce vieux bougon, image presque sépia d'une Amérique ancienne et dominatrice , va suivre à la trace les deux hors-la-loi, comble de l'ironie, mieux qu'un certain indien qui l'accompagne...
Chris Pine, magnifiquement amaigri comme un cow-boy usé et Ben Foster luisant de folie et d'amour pour son frère cadet sont les deux révélations de cette lente mélopée vers une chronique d'une mort annoncée... On ne sait pas laquelle mais on sait que ça va mal finir. Même si la fin semble un peu bâclée et trop facile voire ouverte sur quelque chose presque optimiste , ce film nous permet de voir enfin le visage d'une Amérique blanche qui part à la dérive sociale, dans des paysages désertiques et brûlés. Des femmes usées, vieilles, grosses et obligées de travailler à plus de 70 ans hantent cette course poursuite entre des braqueurs presque moraux et un vieux représentant droit dans ses bottes serviteur d'une loi qui perd ses repères... Pas de jugements de valeur dans cette description des rapports ambigus entre les 3 protagonistes de l'histoire, pas de solutions offertes , pas de choix réels, juste deux frères qui affrontent le venin de la mise à crédit d'un monde en une forme de pied de nez final.. Et aussi le Texas avec ses armes à feu dans les poches de tous les péquenots possibles, des indiens fantômes dans des casinos, des serveuses octogénaires et revêches à souhait et de façon délicieuse face à une facebookisation de la vie... ( Veux tu être mon ami que je ne connais pas, ne touche pas .... J'ai tant besoin d'être POPULAIRE !!! )
Non , ce pays n'est pas fait pour le vieil homme et pas pour le presque encore jeune homme...
Ce pays a tué ses indiens et il tue à présent ceux qui ont pris la place des Indigènes; Les ouvriers, les prolos, les cow-boys, les vieux, les inadaptés technologiques et les femmes seules avec enfants...
Ce pays est envahi par les nouveaux conquérants.. Les Banques, la dématérialisation des échanges, le Crédit ouvert comme un robinet d'eau tiède à des gens qui vont se noyer sous le flot des mensualités impayables...
Ce film est d'une rare justesse, en quelques images, deux ou trois phrases, la messe est dite.
Et la messe est belle même si c'est la messe pour les morts, un Requiem...
Une tristesse infinie baigne toutes les péripéties de cette histoire d'un désastre annoncé mais tellement injuste . Rester debout face aux banques et à l'argent dieu plutôt que s'agenouiller pour recevoir la bénédiction onctueuse de ce libéralisme cannibale et ogresque.
Je vais garder longtemps en tête l'odeur de ce périple en terre Comancheria...
Et souvenez vous de Ben Foster, irradiant toute l'image de sa sueur mortifère...
Un grand acteur m'est apparu et est devenu meilleur ...

Prosper666
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le 29 nov. 2016

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Prosper666

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