Certains, du moins ceux qui me suivent un peu, doivent s’étonner parfois des films que je choisis de voir parmi l’immensité proposée. Après tout c’est vrai – pour peu qu’on me connaisse – on saurait que je ne suis vraiment pas fan du tout d’Orelsan et que, d’une manière un peu plus large, je ne suis pas tant réceptif que cela au rap. Donc du coup, aller voir un film qui ne semble pas particulièrement briller pour sa forme, et dont le principal intérêt à l’air de se limiter à du simple fan service pour tous ceux qui suivent Orelsan et Gringe, ça ressemble un peu à la démarche d’un gars qui ne supporte pas les Girls Band mais qui va voir quand même « Spiceworld » (…et si cette dernière référence ne vous parle pas, c’est normal, c’est parce que vous êtes né(e) dans les années 1990 ou plus tard. Mais ne vous moquez pas, il se passera certainement là même chose vous concernant, dans quinze ans, avec cet Orelsan…) Et pourtant, parce que j’ai déjà eu l’occasion de tomber sur les petites capsules que produisent les deux zigotos sur Canal depuis le début de l’année (« Bloqués » pour ceux qui ne connaissent pas), et que parfois j’aimais bien ce petit phrasé nonchalant qui en ressortait, j’étais curieux de voir ce que ce type d’écriture pourrait donner sur un format plus long. Or – comme vous pouvez le constater avec ma note finalement assez flatteuse – je dois bien reconnaitre que j’ai plutôt adhéré à l’ensemble. Alors certes, d’un point de vue plastique, le film est clairement anecdotique, pour ne pas dire clairement light. Rares sont les plans qui se sauvent dans ce film, même si, assez régulièrement, la simplicité sait faire son œuvre de manière plutôt pertinente. Seulement voilà, on a affaire là à un film de rappeur, et s’il y a bien un élément sur lequel l’ami Orelsan ne s’est pas planté, c’est sur le rythme. L’air de rien, l’ensemble est assez nerveux, maitrisé, et jamais vraiment le soufflé ne retombe dans cette histoire. Il faut avouer que le gars maitrise quand même son format. Que ce soit dans sa façon de lancer assez régulièrement des sessions chantées (ce que n’importe quel quidam était susceptible d’attendre de la part d’un film réalisé par un rappeur), que dans sa manière de déverser ses haïkus de pauvre paumé endormi comme il peut le faire dans « Bloqués », le flow se révèle étonnamment régulier, aussi bien dans le rythme que dans le qualitatif. L’air de rien, je suis surpris que ce soit aussi bien écrit et que l’univers proposé soit finalement aussi riche et cohérent. Le gros avantage en plus, c’est qu’Orelsan est bien loin de cette caricature du rappeur qui va se sentir obligé de cultiver cette image caricaturale du gangsta viril trop martyrisé par la société. Au contraire, il se reconnait et s’assume comme un grand gamin qui n’a rien d’effrayant : fils d’instit égaré dans un Calvados tout ce qu’il y a de plus inoffensif. Et ça, étonnamment, je trouve que ça dénote clairement avec ce qu’on a l’habitude de nous proposer. C’est certes singulier mais justement, pour le coup, ça légitime totalement le film tant il offre finalement une tonalité peu commune dans le cinéma français et mondial en général. Bref, sans être un chef d’œuvre formel, ce « Comment c’est loin » a au moins ce grand intérêt d’être ce qu’il est, sans travestissement, et ça – à défaut de se montrer génial – ça a au moins le mérite d’être rafraîchissant.

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le 27 sept. 2017

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