Confession d'un commissaire de police au procureur de la République par Mickaël Barbato

Le commissaire de police Bonavia ne réussit pas à faire inculper un promoteur immobilier véreux, Lomunno, en raison de ses accointances politiques. Poussé à bout, Bonavia fait libérer un ennemi personnel de Lomunno, qui a juré de le tuer. L'affrontement sanglant qui s'ensuit, auquel Lomunno échappe, fait intervenir le juge d'instruction Traini. Les deux enquêteurs s'affrontent tout en poursuivant le même but. Mais Bonavia envisage une action désespérée...

Le polar italien est un sous-genre qui ne mérite pas l'oubli dans lequel il est tombé. Tournés pendant les années de plomb, en gros 1969 jusqu'à la fin des années 80, ces films policiers sont fortement marqués par la violence qui plongeait l'Italie dans un véritable bain de sang.
Alors qu'on aurait pu imaginer les réalisateurs surfer sur cette insécurité pour donner des clones de l'Inspecteur Harry à tout va, mais il n'en est rien. Bien au contraire, le genre sera le terrain d'expression favori de réals gauchistes, voir anarchistes, qui donneront des oeuvres populaires absolues.

Confessions... est tout de même à part dans ce mouvement. Certes, il est très chargé politiquement, et les attaques se dirigent tout autant vers la mafia que le pouvoir politique véreux en place, mais il domine surtout une impression de véracité, d'objectivité ici. L'histoire a beau ne pas être inspiré de faits réels, on sent à chaque secondes que ce qui s'anime à l'écran est possible, est vécu ou tout du moins ne sort pas d'un imaginaire.
Grâce au scénario bien sûr, aux dialogues très racés aussi, mais surtout à l'interprétation des deux têtes d'affiche. Nero en juge d'instruction, son profond regard bleu, son énergie débordante, son éclat, bouffe l'écran. Le crescendo dans sa prestation, où il part d'une certaine arrogance pour arriver à un homme profondément remis en cause dans ses croyances, est saisissante. Martin Balsam lui tient la dragée haute en incarnant un commissaire totalement désabusé par son métier, qui perd les pieds et utilisent des méthodes de moins en moins officielles. Ces deux figures donnent un cachet véridique qui envoie le film dans la catégorie de ces films d'enquête à l'ambiance si étouffante qu'elle en devient plus palpitante qu'un polar plus typé action.

Le film parle avant tout de la justice et du point de vue différent de deux personnages qui souhaiterait arriver au même résultat : mettre hors d'état de nuire un promoteur immobilier mafieux. Sauf que cette mise à l'ombre peut, bien sûr, être atteinte de deux façons : une arrestation en bonne et due forme, et une autre un peu plus... définitive. Le film questionne le spectateur en permanence, la justice, que l'on sait de plus en plus corrompue tout au long de la trame, est-elle vraiment le bon recours ? Le commissaire, qui est décrit comme le plus humain et surtout comme le plus au service de la population (quand il protège un témoin, elle est en sécurité mais quand la protection est assurée par le juge d'instruction elle meurt), semble emporter la sympathie. Mais la sympathie est-elle possible quand on parle de loi ? Ne serait-ce pas le premier pas vers l'explosion de notre société ? Le film répond un gros "oui" et, non content de l'assumer montre qu'en plus la justice, dans son institution, ne protège pas le peuple.

Mais, à la différence de certains films peut-être trop violent dans la remise en question (je pense aux films de Lenzi avec Milian, genre La Rançon de la Peur), ici c'est fait avec classe, à travers des dialogues de qualités et surtout très intelligents. Pas de prises de positions douteuses envers les bad guys, la mafia, sans être romancée une seule seconde, y est décrite dans toute sa violence sèche. Mais attention, il ne s'agit pas d'un polar sécuritaire, bien au contraire. Oui, nous voulons une justice pour tous, et principalement pour le bas peuple qui se trouvait abandonné dans cette époque trouble. Mais la vouloir propre, sans anicroches avec la pègre, bref exemplaire est l'intérêt de Damiani. Un intérêt malheureusement très désabusé, à l'image du destin du commissaire Bonavia qui finit par devenir l'icône du justicier poussé à l'extrême.

Et quand la fin sonne, que les comptes ne demandent qu'à être réglés, on se rend compte, dans une séquence de tension qui culmine très très haut que cela ne sera possible que par une remise en cause profonde. Remise en cause prise en main par un juge d'instruction au regard aussi enflammé que l'âme des italiens de l'époque...
Bavaria
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le 2 mai 2010

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