"Convoi de femmes" est un film étonnant. William Wellman est décidément un cinéaste surprenant, dans le sens où ses films se détachent souvent des autres productions de l'époque, tout en se maintenant en apparence dans les codes du genre auquel ils se rattachent.

On a là un western avec une histoire toute simple : quelques cowboys sont chargés de faire traverser l'ouest périlleux des États-Unis à plus d'une centaine de femmes qui rêvent de trouver un Californien pour mari.

La femme dans le far-west se prête le plus souvent aux caricatures d'usage : celle de la faible femme perdue dans un monde d'impomponabilité et de violence masculine, une proie, une victime, une charge et donc, quelque part toujours aliénée à des rôles systématiques de pute, de mère ou d'épouse soumise.

Le scénario de ce film que l'on doit à Charles Schnee (The Furies, The bad and the beautiful, They live by night) sur l'idée originale de Frank Capra lui même, ce scénario à la paternité magnifique convoque donc les trois figures féminines habituelles, mais va progressivement les orienter vers des directions inattendues pour le genre. Il va les anoblir. Il leur donne une force et une liberté nouvelle.

Il utilise pour marquer ce changement de statut un cowboy phallocrate, un solitaire un peu misanthrope sur les bords, un irréductible mâle bâti sur des certitudes qu'on devine arrachées à la poussière et à la poudre. Témoin, tout comme le spectateur, des forces insoupçonnées qui se cachent chez ces donzelles pas si faibles que ça, car déterminées, le cowboy (Robert Taylor) change petit à petit d'opinion. Au fur et à mesure que le convoi passe les pires épreuves, les femmes gagnent l'estime et le respect de cet homme. Seuls quelques-uns en sont pas capables finalement puisque la plupart ont fui dès les premières embuches.

Ce qui peut paraitre surprenant, c'est l'extrême gravité qui enferme le récit sur un parcours brutalement réaliste. Peu de place est laissée au bonheur naissant. On y tue des enfants, des mères restent inconsolables, de jeunes couples sont massacrés. Les coups portés sont rudes. Avouons qu'Hollywood ne nous habitue pas à pareille virulence pour l'époque! En ce sens, Wellman peut faire figure de cinéaste précurseur. La plupart des trajectoires obligées sont malmenées, voire fracassées pour certaines. Les dangers n'en deviennent que plus angoissants. Le spectateur est donc tenu en haleine, véritablement scotché par l'émotion. La tension ne se relâche qu'à peine sur la fin. Le rythme est bien maitrisé.

J'ai fini le film remué, agréablement, avec ce sentiment d'avoir assisté à un film soigneusement construit, un film puissant, sérieux, qui ne prend pas son spectateur pour un con.
Alligator
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le 24 févr. 2013

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