La mort du suspens

Un bon film d'enquête, ça repose sur une chose essentielle : le suspens. L'idée est que le spectateur découvre les éléments en même temps que l'enquêteur pour finir par démasquer le tueur dans le dernier quart du film. Un twist n'est pas nécessaire tant que l'histoire n'est pas cousue de fils blancs. Certains réalisateurs décident pourtant de désamorcer tout suspens en révélant des les premières secondes l'identité du tueur. L'intérêt du film change alors pour se tourner vers la qualité de l'enquête ou encore sur la relation particulière que le personnage principal et son antagoniste ont développé.

Le problème dans Créance de sang, c'est que Clint Eastwood n'a pas su choisir justement. L'histoire débute sur une scène de crime, le profiler Terry McCaleb est appelé sur les lieux pour tenter de déchiffrer un code qui lui est personnellement adressé pour le tueur en série. Alors que ce dernier fais une grossière erreur en restant sur les lieux du crime, McCaleb le prend en chasse. Seulement, alors qu'il est à deux doigts de l'arrêter, McCaleb fait une crise cardiaque et s'effondre.

Une ellipse nous amène deux ans plus tard, McCaleb gagne une petite rallonge sur sa vie grâce à la greffe d'un nouveau cœur. Alors qu'il se demande s'il mérite une telle seconde chance, une femme vient lui demander de reprendre son boulot d'enquêteur. Clint Eastwood apprend alors que le cœur qui bat dans sa poitrine et celui d'une femme victime d'un braqueur. Graciella, la femme qui lui demande d'enquêter s'avère être la sœur de la victime et n'entend pas laisser courir son meurtrier. Alors qu'il pensait passer des jours tranquilles, Terry ne peut ignorer la demande et se lance dans l'enquête. Il renoue alors avec le plaisir de la traque au détriment de sa propre santé.

Ce film a deux problèmes qui sont liés au montage. Dès le début du film, on assiste à une affaire dont l'importance est telle qu'elle ne peut pas être sans incidence sur le reste du récit. A cela s'ajoute la présence d'un personnage secondaire qui au fur et à mesure de l'histoire prend lui aussi trop d'importance dans le cadre pour ne pas être remarqué. Si bien qu'au bout de 20 minutes de film, on connait l'identité du tueur ainsi que son mobile. Il ne reste plus alors qu'une heure à attendre pour que Clinty le comprenne lui aussi. Pour un profiler légendaire ça la fout mal quand même!

Le film s'évertue à taire une identité et un mobile pourtant évidents, ce qui l'empêche alors d'en profiter pour creuser une piste qui aurait été plus prometteuse. La relation entre le tueur et McCaleb est en effet inhabituelle. Il s'agit d'un duel, plutôt même d'un jeu. En tout cas d'un besoin d'exister à travers l'autre. Seulement, quand le film n'a que 15 minutes pour développer cet aspect il ne peut que mal le faire. Un bel acte manqué donc. Malgré tout le film n'est pas désagréable une fois qu'on met de côté la faiblesse de l'intrigue. A regarder si vous êtes un fan inconsidéré d'Eastwood.