Tout commence avec une voix off, une voix sensuelle un peu grave, celle d'Edith Cushing (Mia Wasikowska), jeune écrivain aristocrate de Buffalo, qui déclare avec solennité "Les fantômes existent je le sais. J'avais 10 ans la première fois que j'ai vu un fantôme, celui de ma mère"


Les premières images intriguent, l'ambiance est surnaturelle, les couleurs sont chaudes, la musique, empreinte d'une gravité majestueuse, confine au gigantisme. Crimson Peak enchante, décline son univers, ses univers, qui seront en permanence mis en opposition.


A la croisée du cinéma, de la littérature et de la peinture, le film est un très beau livre d'images, une succession de tableaux animée par l'habile main du faiseur Del Toro.


Le film débute pourtant comme une friandise exquise prenant place dans l'univers très raffiné de l'aristocratie américaine de la première partie du 19ème siècle. Le cinéaste pare son œuvre des plus beaux atours. Edith, choyée par son vieux père, s'y épanouit au gré des flirts, des mondanités des jeux de l'esprit, jusqu'à tomber amoureuse d'un mystérieux baronnet britannique (Tom Hiddleston) qui parcourt le monde avec sa sœur (la très inquiétante et très brune Jessica Chastain). Les costumes sont somptueux, les détails foisonnants, bref tout ceci est ...magnifique !


Beauté fugitive et bonheur fugace brutalement perturbé par la mort du père d'Edith. Cette dernière épouse ledit baronnet et devient la maitresse d'un bien étrange manoir anglais appartenant à son époux et une sœur décidement bien encombrante. Ironie ultime, l'Angleterre victorienne est loin de l'élégance américaine, le manoir personnage à part entière, bâtisse décharnée désincarnée, même, froide et venteuse donne des frissons d'angoisse par anticipation. La neige tombe à l'intérieur et se trouve, une fois au sol rougie par l'argile, semblable à une masse cotonneuse souillée par le sang. Cet univers là est gothique, macabre à mi-chemin entre les ambiances de la Hammer et les mondes poétiques du regretté Tim Burton.


Là, Guillermo excelle à créer la tension, tout bascule dans un songe funeste, Edith (-Cushing- clin d'œil une nouvelle fois aux films de la Hammer), se sent emprisonnée entre une sœur maléfique, un manoir vibrant de mélodies funèbres abritant des fantômes, réminiscences d'horreurs passées.


Del Toro dira :



J'adore le romantisme gothique. Quarante ans qu'on n'en fait plus à Hollywood, à part quelques séries B. Je voulais mélanger l'élégance du maître de l'épouvante italien Mario Bava aux récits des sœurs Brontë comme Les Hauts de Hurlevent et Jane Eyre



Romantique, certes, Crimson Peak l'est à souhait, mais il est également terrifiant, violent quelquefois, et surtout immersif pour qui veut bien se laisser porter par cet objet onirique.

Yoshii
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le 19 mai 2018

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Yoshii

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