Il y a moult raisons d'aimer Crimson Peak. Chaque plan est à tomber par terre de beauté. Les acteurs sont tous les 3 excellents (j'espère que Tom Hiddleston pourra se détacher de son image de Loki car wow, il est super bon). Et, comme le dit elle même l’héroïne, ce n'est pas vraiment une histoire de fantôme, c'est une histoire avec des fantômes. Pas un simple film d'épouvante, donc.


Mais la raison pour laquelle j'ai vraiment aimé ce film, c'est le talent de Del Toro pour prendre des vieux films que j'aime, en garder le meilleur, injecter sa patte artistique et sortir quelque chose qui poutre allègrement les autres films du genre ces jours-ci.


Dans le conflit du vieux et du neuf, Del Toro est le parfait négociateur. Je précise que je ne connais pas bien ce réalisateur, mais je m'en vais spéculer gaiement quand même.


Le vieux d'abord. Crimson Peak sent bon l'âge d'or des films d'angoisse fantastiques des années 50. Quiconque aime le charme désuet des Dracula, Frankenstein et autres films de la Hammer appréciera sans doute la filiation évidente. Crimson Peak sent bon le classique, tout simplement, un peu à contre courant des autres films qui tentent d'être "au goût du jour".
Comme dans ces vieux films, l'histoire est simple, et racontée sans chichis (de toute façon les chichis n'existaient pas à l'époque). Pas de méga retournement de situation complètement mindblowing. C'est une histoire simple mais racontée avec une grande habileté (et c'est toujours mieux que l'inverse). On est donc en terrain connu, et on se plaît à admirer les décors, les costumes, et tous les petits détails. J'ai rarement été aussi attentif devant un film, tant celui-ci est visuellement fourni et magnifique.


Et maintenant le neuf. Del Toro ne se contente pas de faire une copie de ces vieux films. Crimson Peak pourrait passer pour un simple hommage, mais Del Toro créé une oeuvre bien à lui et une expérience très forte (pour moi en tout cas). Déjà, il me faut parler de la violence. Les vieux films, pour moult raisons (l'époque, la censure, les moyens), étaient assez pudiques face à la violence, évoquant souvent les agressions par des ombres ou des cris. Et quand ces agressions étaient vraiment montrées, c'était souvent très soft. C'était parfois efficace et réussi, parfois moins. Bref, Del Toro prend lui le parti de montrer une violence assez crue, brutale, dégueulasse... Violente en fait. J'ai adoré, car lorsqu'on raconte une histoire aussi violente sur le fond, je pense que la forme doit suivre. Ces scènes qui ont fait détourner plus d'un regard dans la salle renforcent vraiment l'impact dramatique, elle servent complètement l'histoire. Ce ne sont pas juste des actes vu de loin, dans l'ombre, dont on peut se détacher facilement. Ce sont des actes qui font grincer des dents et qui vous impliquent concrètement dans le film.
Bien sûr, ce n'est pas la violence qui construit la peur, mais Del Toro assure également de ce côté là. Nous entrons bien sûr en terrain hautement subjectif, mais en ce qui me concerne, les fantômes m'ont à la fois fasciné et terrifié. Je ne parle bien sûr pas des jump scare (écueil dont Del Toro n'a heureusement pas trop abusé), mais de ces plans où le réalisateur nous montre ces créatures de plein pied (enfin, si on peut dire). Elles portent les stigmates de leur mort violente, hurlent, souffrent... Leur détresse est effrayante. Del Toro fait le pari de montrer plutôt que de suggérer, ce qui fonctionne ici car le design de ses fantômes est en lui-même profondément dérangeant.


Del Toro reprend donc avec humilité une vieille formule qui a fait ses preuves, tout en réussissant à y injecter sa très particulière patte graphique et en osant renverser certains codes (montrer la violence, ne pas suggérer l'horreur...). Le cinéma d'épouvante a connu son heure de gloire il y a bien longtemps, mais réserve encore de nombreuses surprises et ce film en fait partie. Go Guillermo !

BastienCl
8
Écrit par

Créée

le 16 oct. 2015

Critique lue 396 fois

2 j'aime

1 commentaire

BastienCl

Écrit par

Critique lue 396 fois

2
1

D'autres avis sur Crimson Peak

Crimson Peak
Veather
5

Prim Son Creak

Le titre en anagramme ça peut faire « fils guindé grincement ». Je me suis creusé la tête, t'as vu. Rarement j'ai vu dans un film des scènes de sexe risibles à ce point. On n'y ressent...

le 18 oct. 2015

66 j'aime

20

Crimson Peak
Behind_the_Mask
9

La délicatesse du macabre

C'est peu dire que je l'attendais, Crimson Peak, depuis que le projet fut officialisé comme prochain film de l'ami Guillermo Del Toro. Mais je voulais préserver à tout prix la magie, le mystère,...

le 14 oct. 2015

64 j'aime

39

Crimson Peak
zoooran
6

Le Toro par les cornes

En cette belle soirée du 28 septembre, Mia Wasikowska, Tom Hiddleston et le "maestro" Guillermo Del Toro étaient à Paris, à l’UGC Bercy, pour présenter une des plus grosses attentes de cette fin...

le 29 sept. 2015

55 j'aime

7

Du même critique

La Planète des singes - L'Affrontement
BastienCl
3

"Un film grand et audacieux"

"Un film grand et audacieux." C'est ce qu'a écrit Premiere à propos du film, à en croire les affiches disséminées aux quatre coins de la ville. Audacieux ? Seriously ? Les blagues carambar sont...

le 30 juil. 2014

8 j'aime

Dernier train pour Busan
BastienCl
4

Ça vaut pas la ligne 13 à l'heure de pointe

Lorsque j’entame le visionnage d'un film, je suis prêt à tout avaler : que des monstres géants ont envahi le Japon, que George Clooney est assez jeune pour voguer dans l'espace, ou en l’occurrence...

le 23 août 2016

6 j'aime

5

Pacific Rim
BastienCl
7

"La guerre, c'est la misère", est-ce que c'est un pacifique rime ?

Maintenant que j'ai votre attention avec cette blague pas piquée des hannetons, place à la critique. J'avais pas mal peur en allant voir Pacific Rim. Je ne suis vraiment pas un gros fan de...

le 9 août 2013

6 j'aime