Le rouge et le blanc

Avec Crimson Peak, Guillermo del Toro tente de renouer avec les œuvres de ses débuts, en réalisant un film gothique à la mise en scène élégante. La beauté visuelle de cette oeuvre est indéniable, au contraire du scénario à la simplicité effrayante, transformant le film en un écrin vide.

Edith Cushing (Mia Wasikowska) vit seule avec son père Carter Cushing (Jim Beaver), après le décès de sa mère, dont son fantôme ne cesse de la hanter. Elle va faire la rencontre de Sir Thomas Sharpe (Tom Hiddleston), un baronnet venu lever des fonds auprès de son père et de ses associés. Après une nouvelle tragédie, elle va tomber sous son charme et devenir sa femme. Elle va quitter les Etats-unis pour l’Angleterre, pour s'installer dans l'immense demeure vétuste de son mari et de sa sœur Lady Lucille Sharpe (Jessica Chastain).

Guillermo del Toro a voulu réaliser un film d'horreur gothique, rendant hommage aux productions des années 60 de la Hammer. Le nom de son héroïne en est un parfait exemple : Cushing, en référence à l'immense Peter Cushing, une des figures de la Hammer avec Christopher Lee. De même que le personnage interprété par Charlie Hunnam est un docteur ayant une fascination pour les faits paranormaux, mais aussi les enquêtes, se révélant être une sorte de Sherlock Holmes et Dr Watson à la fois. On pense aussi à La chute de la maison Usher (non, pas le chanteur de RnB), comme à d'autres productions de cette époque.
Il dépoussière merveilleusement le genre, du moins d'un point de vue visuel. Les plans sont sublimes, comme les décors et les costumes. Les multiples nuances de couleurs sont un plaisir pour les yeux, du rouge au blanc, en passant par le noir, ils représentent les diverses facettes de ses personnages. Guillermo del Toro est un magnifique réalisateur, mais un scénariste moyen. Il fourmille d'idées en s'inspirant de diverses œuvres, mais sans réussir à sublimer ses choix scénaristiques. On sent l'ambition du projet, du souffle romanesque qu'il tente d"influer à travers les quelques moments d'épouvante. Mais cela manque d'émotions, en se révélant souvent théâtral, au point d'en devenir un brin risible.

La faiblesse du récit, rend l'oeuvre passablement ennuyeuse. A l'image de sa réalisation, les personnages sont magnifiques, du moins en apparence. Aucun d'entre eux ne fait preuve de subtilité dans leurs jeux, c'est surement voulu, comme dans les productions de la Hammer, mais cela finit par être agaçant. Jessica Chastain en est le pire exemple, tant elle n'est jamais ambiguë. Le rouge lui sied à merveille, au contraire de son regard rempli de folie du début à la fin. Le trio ne fait pas dans la finesse, Mia Wasikowska au caractère soi-disant bien trempé, est en fait une victime, capable de tomber sous le charme vénéneux de Tom Hiddleston en un compliment sur son oeuvre littéraire, survoler en un battement de cil. C'est beau la naïveté, sauf quand elle dure encore et encore.
Le souffle romanesque se fait discret, comme l'horreur. Guillermo del Toro est devenu trop sage au contact d'Universal. Maintenant, qu'il a les moyens de ses ambitions, même s'il doit aussi en sortir de sa poche, il y a une sensation d'embourgeoisement, une certaine retenue dans l'horreur et la violence. Bien sur, le sang coule toujours et les fantômes ne sont pas vraiment glamours, mais l'effroi se noie dans le vide de son intrigue.

Au final, cela se révèle être un drame romanesque avec un soupçon d'épouvante. Cela se veut flamboyant avec des envolées de lyrisme, mais cela ne surprend jamais. On a l'impression d'être dans une galerie d'arts, en passant d'un tableau à l'autre. La visite dure deux heures et ne laissera pas un souvenir impérissable.