Je connaissais Björk pour sa musique, et je suis ravi de constater que son style et son tempérament ont déteint sur le film au point de l'imprégner complètement. Dancer in the Dark n'est pas seulement un film de Lars von Trier, c'est aussi un film de Björk, et le mélange des deux devient presque palpable.
Si l'histoire est déjà touchante en soi, l'interprétation qu'en fait la chanteuse islandaise parvient à parfaire un personnage subtil et particulièrement bien écrit, dont les pensées serviront de nœud central.
Le style de la comédie musicale, qui ne nécessite pas forcément de réalisme, n'a jamais été aussi bien justifié. Je dirai même qu'on a rarement vu un style de film autant en accord avec la psychologie de son personnage. En effet, les parties dansées des comédies musicales permettent de faire un arrêt sur image en développant un sentiment ; c'est également le cas ici, mais tout se passe dans la tête d'un personnage principal presque aveugle. Il s'agit par conséquent de danses fantasmées, dans lesquelles s'échappe le personnage principal, et c'est de là qu'elle tient la force dont elle fait preuve.
Le style de Lars von Trier est très particulier, avec de nombreux cuts dont je ne suis personnellement pas toujours fan. Cependant, cette façon de monter colle parfaitement aux passages rêvés : cela donne accorde aux chorégraphies plus de cohérence, tout en immortalisant l'instant en le capturant sous tous les angles possibles.
De toute manière, même sans accrocher à ce style, l'interprétation magique de Björk (et d'autres acteurs, dans une moindre mesure, tels que David Morse qui passe d'une manière générale trop souvent inaperçu) ne peut pas laisser indifférent. Elle fait preuve d'une telle sincérité qu'on a l'impression de véritablement la connaître, ce qui est franchement déstabilisant.
Dancer in the Dark est assez troublant et possède une atmosphère bien à lui, appuyée par une bande-son à la fois géniale et pertinente, composée par la même Björk, qui brille décidément à travers ce film. Il est cependant très triste et surtout défaitiste, mais c'est aussi de cela qu'il tire sa beauté et son humanité.