Dans les années 1990, Benjamin Esposito est à la retraite. Toute sa vie, il a été un fonctionnaire du ministère de la justice et à Buenos Aires, son bureau disparaissait sous les piles de dossiers. Désœuvré, il souhaite écrire. Un roman. Sur une affaire vieille de 25 ans qui n’a pas eu de conclusion : en 1974, une jeune institutrice de 23 ans a été violée, sauvagement battue et assassinée.


Esposito trouve assez rapidement l’identité du coupable. Individu dangereux qui finit par être appréhendé au bout d’une traque patiente mais entêtée.


Mais le film ne s’arrête pas là. Car après un procès dont le spectateur ne voit rien et qui condamne l’homme à perpétuité, l’assassin réapparait libre sur les écrans de télévision parmi la garde rapprochée d’Isabel Peron. C’est la stupeur, tant pour Esposito que pour le jeune veuf qui vouait un amour sans borne à sa jeune épouse assassinée.


Le thème laissait craindre un film dur, cru, avec des scènes de violence insupportable. La scène que je craignais, bien que présente, n’excède pas quelques secondes. Tout le film est ensuite bâti sur cet héritage qui ne nous est pas ressassé à l’envie. Car le réalisateur est sobre. Il fait confiance à son public et à son talent tout en retenu : on n’oublie pas les images qui ont défilé sous nos yeux. Inutile d’en ajouter et de risquer le rejet – ou le voyeurisme malsain.


Mais « dans les yeux » reste un film difficile. Car la tension psychologique est bien réelle. Il y a l’ambiance générale de l’Argentine aux mains de junte militaire. Il y a cet homme terriblement dangereux qui est tour à tour insaisissable, inattaquable puis introuvable. Il y a la douleur incommensurable du mari auquel on a arraché le cœur. Il y a Esposito qui reste hanté par cette affaire 25 ans après. Il y a la juge – la belle Irene Menéndez Hastings dont Esposito est fou amoureux. Il y a le collègue d’Esposito, alcoolique invétéré qui la plupart du temps ne peut rentrer seul chez lui. De nombreux ingrédients qui servent à réaliser un véritable chef-d’œuvre, passionnant, bouleversant, extraordinairement efficace. Jusqu’au dénouement qui, dans les dix dernières minutes, cloue le spectateur à son canapé.


Et ce film, outre un superbe film policier, est aussi une merveilleuse histoire d’amour. Une double histoire, même : celle du veuf qui vouait sa vie à la jeune femme assassinée et celle – muette – d’Esposito pour la jeune juge d’instruction. Un film ahurissant dans lequel le regard est tout.

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le 9 nov. 2015

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