Il m'aura fallu le revoir en dvd, après l'avoir découvert en salle, pour parvenir à juger correctement le premier long métrage d'Alexandre Astier.
Soyons honnêtes, la première vision ne pouvait que manquer de recul et d'objectivité, surtout quand on est hyper fan du travail phénoménal accompli par le monsieur sur Kaamelott.


Pour être précis et complet, je dois avouer que j'étais heureux de voir Astier tenter autre chose que ce qu'il avait déjà réussi avec sa série mythique ; et que, si je suis fan de cette dernière, ce n'est pas seulement pour son humour, incontestable, mais aussi et surtout pour son évolution, son changement de ton progressif, sa profondeur et sa noirceur, sa complexité...


J'étais donc aussi prêt que possible à voir évoluer Astier dans un registre très différent. Prêt, certes, mais peut-être pas autant que je l'espérais.
Donc, à la première vision, la lenteur du film, son minimalisme - visuel comme scénaristique -, son resserrement exclusif sur les deux personnages principaux, m'ont pris de court et empêché de m'immerger complètement.


Durant toute la projection, et comme je l'étais depuis l'annonce du projet, je suis resté en attente - de quoi, difficile à dire. D'une nouvelle grande surprise. D'une claque. D'une révélation qui toucherait tout le monde, pas seulement les fans de Kaamelott mais aussi un autre public.
Je voulais sortir de la salle en apesanteur, totalement conquis, arraché au quotidien ; ressentir ce genre de sensation que seul un très bon film - ou un concert génial, ou un excellent bouquin - peut susciter. Quelque chose qui ressemble à l'euphorie de la rencontre amoureuse.
De fait, la première vision ressemblait plutôt à un bon gros râteau des familles. Non, allez, j'exagère. Une déception relative, oui. L'espoir subsistait, mais ce n'était pas encore pour cette fois, il restait du chemin à parcourir.


Avec le recul, et connaissant le film, j'ai pu apprécier davantage les qualités de David et Madame Hansen - et composer avec ses défauts.


Comme je le disais plus haut, le scénario est minimaliste : David, jeune ergothérapeute inexpérimenté et peu consistant, se voit confier la mission d'emmener en ville Mme Hansen-Bergman, patiente de la clinique suisse où il vient d'arriver. Elle souffre d'amnésie et a un caractère de cochon, qui laisse parfois la place à des moments de fragilité et de fébrilité déconcertants.
Moitié par faiblesse, moitié par instinct, David rentre dans le jeu de Mme Hansen et la suit jusque dans une maison située à Aix-les-Bains, sur les traces de la mémoire perdue de sa patiente...


Voilà pour l'histoire, et franchement, même si elle s'inspire d'éléments réels (notamment médicaux), elle paraît après coup assez anecdotique.
Le vrai sujet du film, franchement autobiographique celui-là, est : pour exister dans la vie, mieux vaut apprendre à sortir des sentiers battus. Le credo d'Astier, qui a fait de lui ce qu'il est aujourd'hui.


Le personnage clef, c'est David, que joue Alexandre Astier. Dans le récit, Mme Hansen n'est que le déclencheur, et le fait qu'elle soit incarnée par Isabelle Adjani, star mystérieuse et distante, sert en partie à cacher que son parcours narratif est largement prévisible.
Les deux acteurs sont bons sans être éblouissants : à l'exception de quelques piques réjouissantes, bien dans le style d'Astier, le scénario n'autorise pas une confrontation au sommet, écarte toute possibilité de virtuosité flagrante.


Ce qui doit passer passe par la subtilité, la nuance, le non-dit. C'est là que le film est le meilleur ; voir la scène de la piscine, festival de contrastes et qui aurait pu s'achever dans le pathos sur-expressif le plus étouffant.
En laissant le spectateur comprendre seul ce qu'il est assez évident de comprendre à ce moment-là, Astier évite l'écueil, d'autant plus qu'il enchaîne avec une scène d'action sobre mais bien claquée.


Servi par des dialogues propres et nets, quoique moins étincelants que ceux de Kaamelott ou que le texte de Que ma joie demeure, la pièce d'Astier sur Bach, David et Madame Hansen est légèrement desservi par son faux rythme et ses ruptures de ton.


Pour ce dernier aspect, on est bien chez Sire Alexandre, soucieux de ne pas se limiter à un seul registre : ni comédie, ni drame, son premier long longe différents rivages sans en aborder franchement un.
C'est à la fois sa force et sa faiblesse. Sa force, parce que cela souligne son refus du compromis et de la facilité ; sa faiblesse, car le film ne s'offre pas facilement ni ne paraît totalement abouti, en dépit d'une jolie chute, où le duo d'acteurs, complice comme il ne pouvait pas l'être avant, s'épanouit enfin.


En parlant de faiblesse, je dois aussi avouer que la couleur de cheveux d'Adjani, assez peu naturelle, m'a quelque peu perturbé. Anecdotique ? Oui, peut-être, mais pas tant que ça. Difficile de s'attacher à un personnage dont la caractérisation primaire est aussi bizarre.


Plus important, les personnages secondaires s'avèrent assez ternes, surtout la fiancée de David et le jeune frère de cette dernière (même si Victor Chambon, avec son drôle de naturel, s'en sort plutôt pas mal). Ils ont leur utilité mais manquent de chair, ils sont trop écrasés par le duo majeur.
Seule exception, le personnage du directeur de la clinique, incarné par l'hilarant Jean-Charles Simon, qui apporte une touche d'imprévisibilité et de cocasserie rafraîchissantes.


Quant à la musique, délicate mais assez transparente, elle s'inscrit dans la lignée des tentatives de rupture d'Astier dans la sixième saison de Kaamelott, avec notamment cette tentation d'un groove décalé et un peu faiblard.


Bref, David et Madame Hansen est un film qui gagne à être revu à tête reposée, histoire d'en apprécier l'intelligence en étant débarrassé de l'incontournable effet d'attente.
Pour le fan que je suis, Astier est capable de mieux (et pas forcément dans l'univers de Kaamelott), mais c'est un coup d'essai qui mérite le coup d’œil, ne serait-ce que pour sa singularité.

ElliottSyndrome
6
Écrit par

Créée

le 22 nov. 2020

Critique lue 188 fois

2 j'aime

ElliottSyndrome

Écrit par

Critique lue 188 fois

2

D'autres avis sur David et Madame Hansen

David et Madame Hansen
Guistrom_R
7

Du Astier dans le texte

C'était osé, c'est vrai. Tout le monde attendait Alexandre Astier avec la suite de sa série Kaamelott, mais ce dernier a refusé de se lancer sur grand écran directement en portant le succès de sa...

le 28 août 2012

42 j'aime

10

David et Madame Hansen
EvyNadler
9

Un mec qui sait pas reconnaître le talent d'Adjani ? C'est trop un boloss.

Avec une insulte dès le titre, tous les deux on ne va pas forcément partir sur de bons rails. C'est inspiré d'une publicité, je le précise pour ne pas passer pour un clampin. Je voudrais que tu...

le 14 juil. 2014

30 j'aime

1

David et Madame Hansen
Gand-Alf
5

Fracture.

Artiste protéiforme et passionnant, malheureusement trop vite réduit à sa série "Kaamelot" (excellente au demeurant), Alexandre Astier réalise ici son premier long-métrage tout en s'offrant le...

le 10 mai 2014

26 j'aime

Du même critique

Un jour ce sera vide
ElliottSyndrome
6

Du trop-plein pour conjurer le vide

Pour développer ce genre d'histoire, il y a plusieurs moyens. Soit on raconte ses propres souvenirs d'enfance et, à moins d'avoir vécu quelque chose d'absolument exceptionnel qui justifie un...

le 24 août 2020

15 j'aime

3

Le Passager
ElliottSyndrome
6

Au bord de la route

(Critique provisoire, en attente de plus de temps pour faire mieux)J'ai été si déconcerté par ce roman que j'ai oublié dans un premier temps de l'ajouter à ma liste de lectures de l'année, presque...

le 16 mars 2023

10 j'aime

5