L'imposteur sympathique

N'étant pas un grand amateur de l'univers Disney/Marvel, que j'accuse d'être l'un des plus grands responsables de l'affadissement du cinéma populaire, j'ai d'autant plus tendance à me montrer intéressé lorsqu'une de leurs productions vise à rallumer une étincelle de créativité (ainsi, je trouve plutôt réussis Ant-Man et, surtout, Docteur Strange).

Déjà, ça commence très mal. Tu "accuses", carrément ? Du haut de ta grande culture ciné, sans doute ? Marvel, c'est du divertissement pour toute la famille, des scénarios avec plein de symboles, d'humour et des scènes d'action totalement incroyables et jamais vues au cinéma. Apprends à vivre avec ton temps, vieux machin pédant, au lieu de critiquer !

Deadpool avait tout pour correspondre à cette catégorie un peu à part, moins formatée, peut-être même surprenante. Très amateur des délires "méta", je n'avais pourtant encore rien lu ni vu du personnage à la combinaison rouge. Je m'attendais à un bon gros trip un peu régressif, et c'est ce que j'ai eu, en partie. Pour l'audace, toutefois, on repassera.

Mais commençons avec le positif: Reynolds aux yeux de poisson mort est parfaitement à sa place dans ce film. Conscient de sa position d'outsider, il en joue sans cabotiner (hors costume), se fait plaisir, et se glisse dans la combinaison moulante de Deadpool comme dans une confortable paire de chaussettes. Les réparties bien grasses filent à une telle vitesse qu'on n'a pas trop le temps de réfléchir à ce qui se passe, lubrifiant parfait pour un scénario rachitique.

Les scènes d'action, enfin, sont spectaculaires sans trop en faire. Les chorégraphies sont agréables à suivre pour la bonne raison qu'elles parviennent à rester lisibles tout au long des (jolies) pirouettes des personnages. Deadpool est divertissant et rigolo pendant un certain temps. Et il finit pourtant par devenir un peu gonflant.

C'est quoi cette nouvelle connerie ?? T'as compris le film que tu as vu, au moins ? T'aimes pas trop les films Marvel et on te propose justement ici quelques chose de différent. Deadpool est un anti-héros, un personnage complètement ironique. Il se fout de la gueule du genre, des clichés Marvel. Tout ça est profondément subversif. Ça te fait réfléchir à ce que tu vois. Comment tu peux t'ennuyer en voyant ça ?

Gonflant parce que le film tout entier tente de reposer sur le dos de son personnage principal, l'unique attraction du film. Deadpool est conscient d'être dans une œuvre de fiction, Deadpool est une mitraillette à vannes, Deadpool est violent et dépourvu de morale... Tout ça, c'est du flan. Deadpool n'est rien d'autre qu'un énième héros Marvel qui affronte des méchants en faisant des blagues. Un type qui veut retrouver la femme qu'il aime, odieusement kidnappée par son pire ennemi. Une histoire vomie et remâchée des millions de fois. Pas un instant le film ne propose quelque chose de réellement novateur, quelque chose de personnel qui permettra d'entretenir le souvenir du spectateur.

L'humour ultra-référencé et la pose irrévérencieuse est une sympathique diversion qui tente de nous faire oublier la platitude de l'ensemble. En fait d'ironie postmoderne, qui a au moins le mérite d'être stimulante, on est gavé de cynisme mercantile: les grands studios nous jettent en pâture de la médiocrité, mais de la médiocrité consciente d'elle-même ! Un caca qui parle n'en reste pas moins un étron.

Mais quel sale petit enfoiré, tu fais ! Et mes commentaires, ils sont peut-être pas là pour faire "original" et cacher la platitude de ce que tu débites ? T'es encore plus hypocrite que ce que tu dénonces: t'es un tocard qui se croit plus intelligent que la masse, un type méprisant. Qui regarde Deadpool dans un but intellectuel ? C'est du divertissement, putain ! C'est drôle, c'est fun, c'est cool. On passe un bon moment, tu l'as dit toi-même. On s'en branle si l'histoire est mille fois déjà vue, ça fait partie de la blague. Tu dois vraiment être un gros frustré dans la vie, je plains ta meuf.

Je n'irai pourtant pas jusqu'à traiter Deadpool de caca. Certes, je n'ai jamais eu vraiment l'impression d'être devant un film cohérent, mais plutôt devant une succession de blagues dont une bonne partie m'a fait sourire. Je suppose que c'est déjà beaucoup en cette période de vache maigre. On pourra néanmoins comparer ce parangon du divertissement contemporain avec des classiques tout aussi pop mais infiniment plus authentiques et brillants tels que les Indiana Jones, Retour vers le Futur et autres Pulp Fiction. Plus proches de nous, on peut sans doute penser aux films d'Edgard Wright, même si là aussi ça sent la fin de règne...

Toute prise de risque étant maintenant noyée dans les milliards de dollars d'investissement, il ne nous reste plus que la défragmentation de ce qui fut, puzzle monté à l'envers, assemblage de pièces dans lequel il nous est permis de glaner les citations d'artistes perdus.

Pète un coup, connard.