Sans doute le film le plus universel d'Akira Kurosawa, Dersou Ouzala est particulièrement troublant à de nombreux égards. Tout d'abord, cette aventure au cœur de la taïga est le premier film du réalisateur nippon se déroulant dans un autre lieu que le Japon. L'emploi de la couleur marque également un tournant dans la filmographie de Kurosawa.
Ce film d'aventure est l'histoire d'une rencontre qui n'aurait jamais dû arriver entre deux hommes que tout oppose. Vladimir Arseniev, topographe russe, rencontre par hasard un autochtone mongol, Dersou Ouzala, qui ne connaît visiblement pas la méchanceté des hommes puisque c'est sans crainte que celui-ci aborde les militaires. Pourtant, cet étrange chasseur "comme on n'en fait plus" est d'une grande aide pour le groupe d'explorateurs puisque celui-ci leur permet d'éviter des pièges, connaît les raccourcis, maîtrise les techniques de survie comme personne d'autre, et peut même parler aux tigres pour leur demander de ne plus suivre le groupe d'hommes !
Derrière ce voyage au cœur de la taïga, on retrouve avec plaisir les thèmes classiques d'Akira Kurosawa tels que l'amitié (thème dont a déjà pu observer l'attachement du réalisateur dans Les Sept Samouraïs), ou encore l'expansion des villes au détriment des campagnes. Pourtant, des sujets plus nouveaux sont traités, à l'image de la question de l'harmonie entre l'Homme et la nature, ou encore l'humilité nécessaire pour aborder le voyage.
Alors évidemment, il est aisé de citer tout ce qui fait la beauté de ce film, que ce soit une mise en scène rappelant les meilleurs John Ford, des paysages magnifiques merveilleusement retranscrits par une photographie inoubliable, une histoire d'amitié parfaitement jouée par les acteurs, des scènes de survie qui ravissent tout amateur du genre, ou encore une touche très agréable de poésie à travers les rencontres avec les animaux et les discussions de Dersou avec la taïga.
Dersou Ouzala est assez difficile à classer au sein de la filmographie du maître japonais puisque si l'intégralité du récit délivre un message résolument optimiste, cet espoir cultivé pendant l'ensemble du voyage est anéanti cruellement à la toute fin de l'action.