Parfois, il arrive à un auteur de se retrouver face à l’angoisse de la page blanche. Mais si, vous savez ? Cette phobie que ressent l’écrivain au commencement de son nouveau chef-d’œuvre, le critique cinéma chargé de dire du bien du dernier Xavier Dolan, ou l’étudiant face à sa copie du bac philo. Et il est difficile de ne pas éprouver une telle impression en voulant saisir un texte sur « Devil Story ». Et cela ne vient pas du manque d’inspiration, mais le fait que l’on ne sait pas par où commencer. Il y a tellement de choses à dire… Tant le film regorge d’improbabilités et de crétineries à tous ses niveaux. Car oui, le réalisateur, Bernard Launois, parvient à cadrer, en pleine broussaille normande, une forme de « Texas Chainsaw » ringardisant à elle seule les effets du calvados le plus hardcore.


Par où commencer, donc ? Raconter le film, vulgariser son « « récit » » ? Encore faut-il le comprendre, ce qui n’est pas mince affaire. Car ce qu’il faut savoir sur « Devil Story », c’est qu’il s’agit bel et bien d’un capharnaüm réhabilitant d’emblée la rigueur scénaristique d’Ed Wood. Voici néanmoins une tentative de vulgarisation : dans une Normandie pittoresque, un monstre S.S tue les hippies et les auto-stoppeurs à l’aide de son couteau à viande (qui qu’est ce que quoi ??). Là, une blonde, incarnée par l’éblouissante Véronique Renaud, crève sur la route, et finit par se retrouver chez un aubergiste perplexe, harcelé par un cheval diabolique. La blonde fuit cette auberge morbide, et se fait poursuivre par le monstre S.S dans le bois, lui même tué par le cheval sataniste effrayé par une momie dotée d’un costume moulant explicitement ses parties génitales. Entre tout ce joyeux bordel, un bateau centenaire sortant des rochers, un fusil semblant lui-même fabriquer ses munitions et un chat (le seul à avoir lu le script ?) capable de contrôler le temps !!


Parfois, on aimerait croire que « Devil Story » se déroule au sein d’un montage anté-chronologique. Cependant, ce n’est pas le cas. La trame du film dispose d’un rythme linéaire, mis à mal par des incohérences plus ahurissantes les unes que les autres. On a notamment une séquence en champs-contre-champs où un personnage est filmé de nuit, et l’autre de jour, et rien que dans les cinq premières minutes, le réalisateur nous offre pas moins de quatre fois le même plan, nous introduisant directement dans ses méthodes. Mais le plus épatant dans ce métrage, c’est qu’il est difficile, voir impossible, de dire si il y est bon ou mauvais. A vrai dire, pendant le visionnement, la seule question que l’on se pose ressemble plus à « WHAT THE FUCK IS GOING ON HERE ?!? ». Tout est sans queue ni tête, et plus rien ne permet de comprendre l’envergure du naufrage, ni d’encaisser cette avalanche d’absurdité dépourvue de toute forme de complexe. Difficile également de ne pas saisir les nombreuses références de Launois, et notamment « Plan 9 From Outter Space », s’aventurant dans le même gloubibougla horrifique, créant une œuvre somme du genre, ou l’absurde involontaire est unique maître à bord.


Certains monstres apparaissent à l’improviste, et déguerpissent avec la même incompréhension, les faux-raccords et autres fails du genre sont également très présents, et pour couronner le tout, les acteurs sont tellement mauvais et surréalistes qu’on croirait regarder un film étranger doublé par une troupe de suicidaires. Certaines séquences méritent également de figurer parmi les meilleures attractions du paysage nanar, comme celle où la blonde se fait littéralement plaquer à terre par un chat, pour se faire ensuite engloutir par la pelouse. Mais la palme revient à l’aubergiste qui passe l’ensemble du film à tirer sur un cheval sans jamais recharger son fusil et en le ratant systématiquement, alors que la créature diabolique n’est qu’à deux mètres de lui !!


Exploration du monolithe de « 2001 : l’Odyssée de l’Espace » ? Hommage à David Lynch ? Parodie d’un film d’Ed Wood ? Impossible de savoir en quoi consiste réellement « Devil Story ». Il s’agit là, au delà du nanar académique, d’une véritable exploration des bas fonds du cinéma, purement anticonformiste, et plongeant son spectateur dans les abysses de ses pensées les plus obscures. Mais une chose est sure, trente années plus tard, l’humanité n’est toujours pas prête pour ça. Peut-être que cela vaut mieux pour l’ordre mondial.


Pour les plus curieux, une petite perle du net : https://www.youtube.com/watch?v=OHEDk33-Oqw

Kiwi-
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le 11 oct. 2016

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