"Le monde laissé à lui-même devient plus féroce qu'une croyance." (G.K. Chesterton)

A son premier cours de philosophie de l’année, le très chrétien Josh Wheaton (Shane Harper) se heure à son professeur Jeffrey Radisson (Kevin Sorbo), athée convaincu, qui exige de ses élèves qu’ils signent une déclaration selon laquelle ils reconnaissent que Dieu n’existe pas. Wheaton ayant refusé, son professeur le charge d’exposer devant tous ses camarades pourquoi il croit en Dieu, et de répondre à toutes ses objections athées.


Il y a quelque chose d'honorable dans la démarche du film d’Harold Cronk, qui cherche à défendre la foi chrétienne en montrant qu’il n’est pas plus ridicule de croire en Dieu que de croire qu’il n’existe pas. Le problème, c’est que le christianisme que défend Cronk, c’est un christianisme à l’américaine, c’est-à-dire qu’il a subi tous les avatars de religion chrétienne que les sectes protestantes et évangéliques ont cru bon de multiplier à foison, déformant à chaque fois un peu plus les fondements chrétiens dont elles sont issues.
Ainsi, c’est une foi sans aucun cadre que cherche à défendre le personnage principal, et dénuée de tout cadre ecclésiastique, la foi de Josh ne semble rarement plus qu’une lubie personnelle. Josh, malgré toute sa bonne volonté, n’apparaît donc en général que comme un illuminé qui veut défendre la foi, parce qu’il croit recevoir directement en lui-même un message divin, idée renforcée par le fait que le révérend auquel il s’adresse le laisse se débrouiller tout seul face à son professeur.


Ce sont néanmoins les scènes de débat public entre Josh et son professeur qui sont les plus passionnantes, quoique trop courtes, et parfois biaisées. On peut en effet constater derrière ces scènes un travail sérieux opéré, tant d’un côté que de l’autre, sur les études portant sur Dieu et sur sa relation à l’homme et à la science, et si la vulgarisation n’est pas toujours heureuse, elle a en général le mérite d’être honnête. On pourra donc regretter de voir Josh tenter à tout prix d’expliquer la création du monde en prenant la Genèse au pied de la lettre, ce qui le fait involontairement basculer du côté de ses adversaires en voulant ancrer la création dans la chronologie du monde et à lui donner une durée, sans prendre en compte son atemporalité. Mais là où Josh touche juste, en revanche, c’est lorsqu’il explique à son professeur athée que sans Dieu, il n’y a plus de raison d’être moral et démontre qu’être athée, c’est déjà croire en Dieu, idée typiquement chestertonienne trop peu exploitée ici.
Malheureusement, cela ne suffit pas à sauver un film trop illuminé pour convaincre pleinement, aux personnages trop nombreux (beaucoup ne servent à rien dans l’intrigue) et trop caricaturaux, quoique la représentation des athées, imbus d’eux-mêmes et méprisants envers tous ceux qui croient, est non seulement assez juste, mais a en plus un effet cathartique fort agréable.


Une scène résume à elle seule ce gâchis : le moment déchirant où la jeune musulmane Ayisha se fait chasser de chez elle par son père (touchant Marco Khan), qui a découvert qu’elle s’était convertie au christianisme. Illustrant à merveille le déchirement du père, aimant profondément sa fille mais refusant de la voir s’éloigner de l’islam dans laquelle elle est née, cette scène avait tout pour être émouvante, mais se voit littéralement gâchée par la chanson What I know qui l’accompagne, cette dernière survenant comme un cheveu sur la soupe. A cette image, terminer le film dans l’illuminisme le plus complet sur la musique des Newsboys (sans parler de la grotesque scène de la conversion d’Amy par les musiciens) n’apparaît pas comme un choix des plus pertinents...
Et ce n’est pas sans une certaine rage au cœur que l’on sort de Dieu n’est pas mort, avec l’impression de voir un film être passé totalement à côté de son sujet. Quand on pense aux merveilleux films que l’on pourrait tirer d’événements historiques tels que les controverses de Luther avec Johann Eck ou Thomas More, ou encore tels que le procès de Galilée, des films qui seraient tout autant l’occasion de défendre intelligemment la cause du christianisme, on oublie rapidement ce médiocre Dieu n’est pas mort. Et l’on préfère relire le chef-d’œuvre de Chesterton, mille fois plus convaincant que le film de Cronk, L’Homme éternel... C’est d’ailleurs à ce brillant auteur que je laisserai le mot de la fin : « Le monde moderne est plein d'anciennes vertus chrétiennes devenues folles. » Qu'ajouter d'autre ?

Tonto
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le 21 sept. 2017

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