Encore un film sur la Seconde Guerre mondiale, et ce n’est pas fini puisque sort cette semaine le Monuments Men de George Clooney. Oui, mais Diplomatie n’est pas un énième film sur la résistance ou sur les affrontements entre Alliés et armée du Troisième Reich. Il s’agit d’un huis-clos magistral sur un épisode méconnu de la fin de la guerre et qui rend hommage au pouvoir de persuasion des diplomates. Ou comment empêcher la destruction d’une ville entière non par les armes mais par la seule force des mots.
Nous sommes la veille de l’entrée de Leclerc et des soldats de la France libre dans Paris. Le Général von Choltitz a reçu l’ordre du Führer de détruire Paris. Pourquoi ? Pour ralentir l’avancée des Alliés qui ont débarqué en Normandie ? Pour permettre aux Allemands de se replier sans problème en Allemagne ? Pour changer l’issue de la guerre ? Non. Hitler veut détruire Paris en représailles pour la destruction de Berlin, parce qu’il a toujours admiré Paris et rêvé de faire de Berlin une ville encore plus grande et belle et que ce rêve ne se réalisera jamais. Choltitz a conscience que la destruction de Paris n’est pas un choix stratégique et ne préservera pas l’Allemagne de la débâcle. Pourtant, il met tout en œuvre pour obéir à l’ordre aberrant. Les charges sont déjà en place. L’ingénieur Lanvin montre les plans, expliquant les conséquences des différentes explosions si elles ont lieu. Aux premières lueurs du jour, Choltitz confirmera l’ordre au lieutenant Hegger, chargé de lancer les explosions. Le destin de la capitale française et de tous ses habitants semble scellé, au son des notes de la 7ème symphonie de Beethoven.
Mais voilà qu’un grain de sable vient s’immiscer dans la mécanique bien huilée : le consul suédois Raoul Nordling, informé de ce qui se trame, entre dans la suite de Choltitz via un passage secret. Il n’aura de cesse au cours des heures qui suivent d’employer tout son art de diplomate pour convaincre Choltitz de désobéir.
Le film se réduit au face à face entre ces deux hommes. Ne vous attendez pas à voir des scènes d’affrontements dans Paris, elles sont quasi inexistantes. Quant à l’entrée des chars de Leclerc, elle est représentée par des images d’archives, tout comme les premières minutes du film font appel à des images d’archives pour nous montrer les villes déjà détruites par les bombardements en Europe. Normal puisque Diplomatie est en fait l’adaptation d’une pièce de Cyril Gély dans laquelle André Dussollier et Niels Arestrup tenaient déjà les rôles titres. Le lieu de l’action reste donc principalement confiné à la suite de l’hôtel Meurice où Choltitz va devoir prendre l’une des plus importantes décisions de sa vie. Fatalement, le film crée une sorte de sympathie chez le spectateur pour ce général nazi en le montrant sous un jour humain, tout comme les jeunes officiers allemands (exception faite de Hegger). Ce sont des hommes aux abois que le réalisateur nous montre : l’Allemagne est déjà en déroute sur le front Est face à l’Armée rouge, les Alliés avancent sur Paris, les soldats qui entourent encore Choltitz à l’hôtel Meurice ont pour la plupart moins de vingt ans, et les communications entre Choltitz et Hegger fonctionnent mal. La fin est proche, ce n’est qu’une question d’heures. La décision de Choltitz, obéir ou ne pas obéir au Führer, ne changera pas l’issue de la guerre mais peut encore changer son destin et celui des habitants de Paris. Toute la rhétorique de Nordling vise cela, empêcher la destruction absurde d’une ville alors que tout est déjà scellé. Quoi qu’il advienne, l’Allemagne est déjà vaincue en France. Une capitulation cependant pourrait épargner des vies, des deux côtés.
Réalisé par le plus français des réalisateurs allemands, Volker Schlöndorff, et porté par deux comédiens d’exception, Diplomatie rappelle que parfois les mots sont plus efficaces que les armes, et que les grandes décisions, qui peuvent modifier la vie de milliers de personnes, se prennent parfois à la dernière minute. Paris ne brûlera pas bien sûr, mais il s’en sera fallu de peu. Et qu’importe si, en réalité, Choltitz prit la décision seul. Volker Schlöndorff parvient à transposer un grand moment de théâtre en un grand moment de cinéma pour nous conter, par le prisme de la petite histoire, la grande Histoire, celle des hommes confrontés à des choix difficiles.