A défaut d'occuper la France, Diplomatie pourrait peut-être occuper les yeux.

Peu de sujets ont été plus éculés au cinéma que celui de la Seconde Guerre Mondiale. Néanmoins, l’ampleur du thème permet un nombre incalculable d’approches, encore aujourd’hui. Dans les Arts, l’Histoire peut aisément transcender le temps. Diplomatie remet le couvert avec la libération de Paris et sa fameuse destruction évitée in extremis, le tout adapté d’une pièce de théâtre éponyme, mettant en scène, par ailleurs, les mêmes acteurs. Rappelons que le grand René Clément avait déjà traité, entre autre, cet aspect, dans son film-fleuve Paris brûle-t-il ?, il y a près de cinquante ans. L’adaptation en question, signée Volker Schlöndorff, jadis réalisateur de la Nouvelle Vague allemande, semble malheureusement sans surprises.

Le conformisme de l’œuvre s’abat très rapidement : une ouverture sur la 7ème symphonie de Beethoven, se superposant sur des images de Varsovie en ruines. Subtil. Tout le déroulement du film est exactement conforme aux attentes qu’on pourrait en avoir : exposition des personnages, du contexte, puis la confrontation entre Arelstrup (Von Choltitz, gouverneur de Paris) et Dussolier (Nordling, le consul suédois). Evidemment, Diplomatie mise avant tout sur ce face à face. Les informations sont lourdement présentées au spectateur afin de mettre en évidences les quelques failles du général Von Choltitz, campé par un Arelstrup dont l’accent semble différer d’une séquence à l’autre.

Péniblement, le film parvient à se détacher de son aspect théâtral. Notons tout de même un réel effort de la part de Volker Schlöndorff de bien faire, de soigner son environnement et sa mise en scène. Malheureusement, cela ne décolle jamais vraiment et au mieux, Diplomatie prend les apparences d’un téléfilm de luxe. La compensation se trouve finalement dans l’histoire en elle-même plus que dans son traitement : on se prend tout de même, lors de quelques séquences, à la crainte de la destruction de ce patrimoine qui nous aimons tant.

Une certaine insistance, quelque peu naïve, est développée sur la ville lumière. Si l’intention est éventuellement touchante, son côté redondant finit rapidement par être pénible, transformant les bons sentiments exprimés envers Paris en une admiration quasi-touristique, jusqu’à un dernier plan qui va, une fois de plus, dans ce sens. Quitte à jouer la carte de la naïveté sincère, il aurait peut-être fallu le faire sans retenue.

Bien entendu, l’issue de l’histoire nous est connue. Diplomatie fait partie de ces films qui tentent de faire croire au spectateur, jusqu’à la dernière minute, la possibilité d’une version alternative des faits. Malheureusement, le manque d’envergure et de maitrise de l’ensemble, notamment comparé à un certain Walkyrie de Brian Singer, rend l’intérêt plus limité, notamment dans un suspens final relativement grossier. Difficile d’oublier les frontières du film (et de la pièce) quand elles sont au passage constamment rappelées par l’exagération d’Arelstrup et Dussolier, parfois justes, mais trop souvent théâtraux.

Si Diplomatie aborde plusieurs thématiques foncièrement intéressantes de par son sujet, le fond ne semble finalement qu’être seulement effleuré, l’exercice paraissant finalement trop académique, trop peu osé. On imagine ce que le film aurait donné dans les mains virtuoses d’un Roman Polanski, fin connaisseur du huis-clos tout en tension, comme il l’a encore prouvé récemment avec l’excellent La Vénus à la fourrure. En résulte donc un énième film sur l’occupation de Paris, qui n’ennuie pas ou ne déplait pas profondément, qui permet éventuellement d’apprendre des anecdotes sympathiques, mais dont on ressort tout de même quelque peu vierge.

La critique sur Cineheroes : http://www.cineheroes.net/critique-diplomatie-de-volker-schlondorff-2014

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le 4 mars 2014

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Lt Schaffer

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