Django unchained est quelquefois d'une violence inouïe, radicale, dérangeante. C'est la réelle nouveauté d'un film qui marque un vrai (demi) tournant dans l'œuvre du recycleur le plus célèbre du cinéma. Sa violence habituelle, exagérée et grand-guignol, fun, fait alors pâle figure. C'est ainsi qu'on regarde la scène de tuerie de Candieland avec un brin de lassitude. On a déjà vu ça, et en mieux. Les balles qui font Zzzzz, et la chair qui fait Pfofff en se déchirant, on connaît.

Il faut le dire tout net : Django unchained n'est intéressant que lorsque DiCaprio est à l'écran. C'est son personnage abject, et la manière exceptionnelle avec laquelle il l'interprète, qui illustrent cette manière toute nouvelle pour Tarantino de regarder la violence en face. Alors qu'il s'était en partie planté à vouloir tarantiner le nazisme dans Inglourious basterds, il a cette fois le courage d'affronter frontalement l'ignominie de l'esclavage. Le combat des Mandingues, l'esclave se faisant dévorer par les chiens, le discours même de Candie, montrés sans fard, sont d'une telle brutalité qu'ils nous glacent le sang.

Tarantino ne nous avait pas habitués à ça. Il nous avait habitué à ce qui précède, une manière légère et enlevée de raconter les choses, des dialogues plaisants, de l'humour décalé. Si l'on retiendra l'hilarante scène dite "des cagoules", le dialogue de sourds avec la servante qui ne sait pas comment traiter Django, ou le personnage de la sœur de Candie, on pourra regretter le train-train de Tarantino à nous divertir sans en faire trop. C'est sympa, on ne s'ennuie pas, mais il a déjà fait beaucoup mieux. Et puis la dernière partie est parfaitement inintéressante. La destiné de Django (pâlichon Jamie Foxx) ne passionne pas, et le feu d'artifice final sonne comme le besoin du réalisateur de revenir à ce qui le rassure, ses codes et sa marque de fabrique. Tarantino fait alors le malin et ce n'est plus ce qu'il fait le mieux.

Christoph Waltz est évidemment très bon. Les meilleurs dialogues étant pour lui, il se délecte à les jouer. Jamie Foxx, on l'a dit, ne brille pas par sa subtilité. Plutôt monolithique, il se contente d'être là. Celui qui crève l'écran, totalement immergé dans son personnage, salaud avec du relief et de la profondeur, salaud "habité" pourrait-on dire, Leonardo DiCaprio, prouve une fois de plus la puissance de son talent. Il est grandiose.

Après un Boulevard de la mort jubilatoire, un Inglourious basterds à moitié raté, Tarantino semble s'aventurer enfin vers d'autres contrées. Son prochain film nous dira si ce qui est amorcé ici, un abandon progressif du recyclage (de talent) pour un cinéma vraiment personnel, n'était qu'un soubresaut, une vaine tentative, ou un élan nouveau.
pierreAfeu
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le 21 janv. 2013

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