Dans le cadre de sa trilogie politique et historique sur l'oppression, Tarantino nous livre après Inglorious Basterds, croisade d'un groupe de soldats et d'une juive contre les nazis, un second long métrage qui traite d'un esclave libéré et formé par un tueur à gage pour retrouver sa femme exploitée par un riche esclavagiste.

Je suis ressorti de ce film d'une atroce lourdeur avec la désagréable impression que Tarantino achevait de prendre le spectateur pour un con.

Tout spectateur qui suit Tarantino depuis ses débuts sait qu'un de ses points forts et sa marque de fabrique est la puissance de ses dialogues. Ses films références en sont gavés et ont marqué toute une génération. Pourtant dans Django, au fur et à mesure qu' on avance avec les protagonistes, force est de dire que les dialogues n'ont pas la force et la puissance de ses premiers films, cette absurdité qui te faisait rire aux éclats car totalement hors contexte. Les répliques sont fades, interminables et chiantes au possible. Le film, remake d'un fameux western spaghetti du même nom réalisé par Sergio Corbucci en 1966, ne possède pas le potentiel comique espéré à la fois pour un film du genre mais aussi pour un Tarantino. Il me semble n'avoir ri qu'à trois ou quatre situations ou répliques en 3h de film. C'est bien peu quand on connaît le potentiel comique du réalisateur.

Cette pauvreté des dialogues pourrait à la limite être rattrapée par la qualité du scénario et de la réalisation ou le rythme imprimé au film mais ce n'est pas le cas. Le film est bien trop long et aurait gagné à être coupé de moitié. La première partie du film est d'un ennui mortel. Le rythme est très lent, on s'ennuie fermement et l'on nous barde d'effets sans intérêt : des flashbacks poussifs, des ralentis lourds et risibles, un intertitre pour nous dire que nos héros arrivent dans le Mississippi. Le montage est, dans certaines scènes, affolant de médiocrité et indigne d'un film de Tarantino. Il est censé aidé à imprimer un rythme à un film qui en a sérieusement besoin mais ce n'est pas le cas. Alors oui, sa monteuse attitrée est décédée en 2010 mais quand on a les moyens et l'exigence de Tarantino, on est censé lui trouver un remplaçant de qualité (cf. Scorsese). Le scenario est bâclé avec certaines incohérences ou incompréhensions sans parler de certaines scènes risibles (une des scènes finales
que je ne dévoilerai évidemment pas) ou de personnages exposés mais non exploités.

Faiblesse des dialogues, du scenario et de la mise en scène, ok mais et les acteurs dans tout ça ? Jamie Foxx nous montre à quel point, malgré certaines bonnes prestations dans d'autres films, il peut avoir la présence et le charisme d'une table de jardin. Pendant toute la première partie du film, il nous semble absent, éclipsé à l'écran par son acolyte. Et ce n'est pas la deuxième partie qui sauvera sa prestation. Christoph Waltz était une des très rares sources de satisfaction d'Inglorious Basterds et une découverte intéressante. Malheureusement son personnage est ici quasi-identique par ses mimiques, son comportement ou ses traits de personnalité à son personnage de Hans Landa dans IB, comme enfermé dans un rôle de cultivé multilingue calme et sadique. J’espère d’ailleurs que Tarantino ne va pas l’enfermer trop longtemps dans ce type de personnage. Mais là où Waltz portait tant qu'il pouvait le film précédent face à une fade Mélanie Laurent, il devient vite ennuyant dans Django et contribue à renforcer cette impression de lenteur et le côté interminable de la première partie de Django. Pour les autres, DiCaprio cabotine, Samuel L. Jackson est uniquement présent par fidélité à Tarantino et la seule chose que l'on retient de Kerry Washington est son inénarrable beauté.

Un autre point m'a gêné dans Django. La violence a toujours été un élément phare de l'œuvre de Tarantino et dont la force, contrairement à nombre de films américains où elle est explicite ou implicite, est de ne pas être livrée à l'état brut. Elle peut être représentée par des effets grotesques aussi bien à travers l'aspect du sang (grosse quantité, très liquide, rouge vif...) que par l'apparition des membres découpés dont il ne nous cache pas les artifices ou suggérée grâce à une bonne utilisation du hors champs. Elle est toujours exagérée voire voilée, ce qui la rend plus supportable pour le spectateur.
Dans Django, on retrouve certes ce côté exagéré dans certaines scènes, mais elle est aussi devenue plus frontale, moins esthétisée. Elle a aussi parfois un côté dérangeant et amène un certain malaise (mais pas celui qui amène une réflexion) qui se fait cruellement ressentir dans une scène (au montage catastrophique) censée pointer le malaise de Django ; une scène qui pour la première fois dans la filmographie de Tarantino, est susceptible de faire baisser les yeux au spectateur et c'est là quelque chose de nouveau chez lui.

Alors on pourrait me dire que si on rencontre une telle pauvreté dans les tous les compartiments du film, c'est que Tarantino s'est plus attelé à appuyer le propos politique et historique du film.
Ce n'est pas le cas. Si ces deux derniers longs métrages sont des films censés traiter de sujets politico-sensibles où il cherche à présenter une inversion des rapports oppresseurs / opprimés
(vengeance des juifs qui viennent tuer des nazis ou des esclaves qui viennent corriger des esclavagistes), Tarantino ne nous livre que ce qu'il a toujours été à même de faire et pas plus : du divertissement.
Il ne faut pas espérer trouver de réflexion sur l'esclavage, ses tenants et ses aboutissants et c'est tant mieux car ce n'est pas ce qu'on attend de lui. Deux scènes tentent bien une pseudo réflexion symbolique avec une inversion des rôles mais c'est lourd et handicapé par de lourds effets qui font (involontairement) plus rire que réfléchir. Non, il nous confirme une fois de plus qu'il n'est taillé que
pour le divertissement. Malheureusement, même dans cet esprit, ce film ne remplit pas son contrat. Et d’ailleurs Tarantino lui-même que l'on voit dans la deuxième partie (c'est pas un spoiler, il fait toujours une apparition dans ses films) semble s'ennuyer.

Tout n'est pas à jeter dans ce film. Restent la photo de Robert Richardson, des beaux plans et des scènes d'action bien gérées, quelque références bien senties comme le clin d'oeil-hommage à Franco Nero et une B.O. honnête. Mais au final c'est bien peu de satisfaction en 3h de film.

Il y a pour moi un dénominateur commun à ce que je considère comme une baisse de régime flagrante dans l’œuvre de Tarantino depuis 2003.
Quel est le vrai sujet abordé par Tarantino depuis 10 ans ? La vengeance. C'est son sujet de prédilection depuis Kill Bill. Ce dernier était, malgré certains points faibles, un bon film mais va marquer le début d'une baisse de qualité et de créativité évidente chez Tarantino. Je pense que ce thème éculé de la vengeance est source de ces faiblesses. En effet, en s'acharnant à vouloir se venger de Bill et ses acolytes, d'un pervers misogyne attaquant des gamines en petite culotte, de nazis ou d’esclavagistes, Tarantino en a petit à petit oublié de se concentrer sur ce qui faisait la force de ses films.
Cette force, présente dans ses films phares, est d'avoir su incrusté ses propres références de cinéphile dans des films grand public en utilisant à bon escient les techniques du cinéma. Ainsi ses films bénéficiaient d'une réalisation rythmée grâce à un montage cohérent et des effets adéquats (flashback, flashforward et donc montage parallèle) et surtout, car Tarantino est un scénariste avant tout, par une vraie science des dialogues et de la narration.
Ces qualités se sont effritées avec le temps. Il est devenu un réalisateur chiant et auto satisfait, qui joue sur son étiquette de cinéaste "dérangeant" et s'évertue à faire des films bardés de références sans se soucier de ce qui constituait le moteur de ses films. Il s'est enfermé dans un style dont il ne pourrait se dépêtrer sous peine de se vautrer.

Tarantino ne semble plus vouloir créer et avancer et nous ressort une formule éclusée qui a perdu sérieusement la force et l’efficacité qu’on lui trouvait il y a quelques années et je ne suis pas sûr que le prochain volet de la trilogie viendra contredire cette impression.
BiggieGeorges
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le 22 janv. 2013

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BiggieGeorges

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