A entendre les critiques si positives et les nuées de fans, j'en viens à me demander ce qu'est le cinéma de tarantino...

Comment peut-on apprécier un tel film, si l'on a gouté à Pulp Fiction, à Jackie Brown.. Il ne s'agit pas que d'intentions, et de l'évidente facilité mercantile qu'a épousé la carrière du réa. Il n'y a juste plus rien de ce qui fait la qualité de son cinéma, de ce qui fait son style, son essence.

Le problème étant que Tarantino n'est pas un cinéaste de l’esthétique. Il n'est pas le clipeur pop art, si habile avec l'action et la chorégraphie qu'il voudrait. Tarantino trouve sa force dans ses personnages, dans ses dialogues, dans l'amplitude de sa narration et de ses scènes. Ses qualités sont là et elles sont rares. Mais si elles se montraient moins dans Kill Bill, déjà, elles ont quasi disparu de ce Django là.

Il faut se rappeler comme Pulp Fiction est aussi bavard que ses bavardages sont essentiels. Chacune de ses scène y est précisément ciselée, structurée, disposée dans la narration avec un un soucis permanent du suspens, et jamais, jamais l'impression qu'elle n'est là pour rien. Mais qu'avons nous dans Django, une bonne heure de ballade sympatoche sans tension dramatique ni répliques fameuses. Juste Tarantino qui est en roue libre, Waltz qui cabotine gentiment, des personnages plats qui évoluent sans enjeux, sans perspective. Je me suis ennuyé, et pas qu'un peu. Le film démarre, dramatiquement, quand on découvre Caprio, mais c'est encore avec maladresse et lourdeur, comme si le réalisateur, si content de lui, si sûr de sa cultitude immédiate, savourait la moindre de ses scènes creuses avec la plus grande emphase. Tout est bon à prendre, tout est génial, délicieusement joué, incroyablement dialogué, alors profitons en comme un grand vin. Sauf que non, tout est petit, anecdotique, facile, et du coup, long et chiant.

Même la seule vraie scène Tarantinesque du film, le "diner" est gachée par sa lourdeur. Le Quentin des années 90 y aurait joué subtilement du suspens, de la rétention des informations, de l’ambigüité de la situation pour nous passionner. Ici rien de tout ça, on étale, on expose, on use de ses acteurs....

Le pire dans tout ça, c'est que le génie ne cache plus les sentiments un peu nauséabonds qui jonchent le cœur du garçon. Le culte de la vengeance, la violence gratuite, que l'on acceptait encore dans Kill Bill, sous prétexte de post modernisme rigolo, parait ici un poil déroutante. Car d'abord, il ne questionne pas tellement ses personnages. La culpabilité de Waltz n'est que très légèrement abordée, presque sur le ton de l'humour. Il tue des pauvres voleurs de bétail pour de l'argent, mais voilà, c'est son boulot, et on lui pardonne bien puisqu'il a une bonne bouille et qu'il n'aime pas les esclavagistes! L'horreur de son gagne pain est donc un peu oubliée, banalisée.

J'ai toujours pensé que les films de Tarantino n'étaient pas si choquant par leur violence, pour une simple et bonne raison. Ils n’étaient pas sociétaux. Ils ne s'inscrivaient pas dans notre temps, ne se comparaient pas à nos vies, à notre quotidien. En fait, je crois que c'est la modernité qui ne va pas à ce cher Quentin. Depuis qu'il cherche à jouer les féministes, ou les libérateurs des minorités, quelque chose cloche... Depuis qu'il cherche à séduire les jeunes, à s'inscrire dans sont temps, à jouer les anachronismes, sa violence et sa rancœur sont moins acceptables, plus déroutantes...

Tarantino était un cinéaste génial, en dehors du temps, qui faisait de stéréotypes cinés des chefs d'oeuvres en les habitants de personnages inoubliables. Il n'est en ce moment plus qu'un petit prétentieux haineux, qui ne va pas chercher plus loin que les typos cools de ses titres pour abreuver les jeunes de "vintage" comme on leur vendrait des jeans délavés.
orioto
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le 2 févr. 2013

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orioto

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