Quatre ans après les Basterds, Quentin nous livre sa vision du Western, confirmant qu'il a arrêté son développement émotionnel à 14 ans...
Jusqu'alors le doute était permis.
C'est pas faute d'essayer, et le premier acte du film est plutôt bon, il se débarrasse de ses antiques Typos-Label-Tarantino, il parvient à s'exprimer via l'image plutôt que le verbe à bien des reprises, et promet un axe de lecture aussi original que percutant : une démarcation de l'Anneau du Nibelung de Wagner ( l'intrigue se déroule dix ans avant sa première représentation, mais bon dans un Western avec du rap, on n'est pas à l'anachronisme près. )
Je me surprends à suivre avec plaisir les pérégrinations de son improbable duo de chasseurs de primes, l'esclave affranchi et le Prussien bienveillant. L'intrigue bifurque sans effort vers le sauvetage de Broomhilda Von Schaft ( lointaine ancêtre de John Shaft, je présume... Damn right ! ) et c'est là que le film se perd dans d'inutiles circonvolutions répétitives, mal agencées et sans grand intérêt.
On entend Christoph Waltz présenter son plan, et l'appliquer à la lettre pendant une bonne heure, au cours de laquelle toute comparaison possible avec Siegfried sauvant Brünhilde est soigneusement expurgée. Du Chant des Nibelungen ne restera que quelques motifs disparates, histoire de faire érudit, mais comme relecture, on repassera...
Et Quentin ne propose rien d'autre, c'est ça qui est rageant. Quand Samuel L. Jackson évente la conspiration, Leo se met à parler de phrénologie, frontalement, naïvement, pour exposer qu'il n'est rien qu'un fils de pute. Où sont les dialogues ciselés d'antan ? Où sont les habiles sous-entendus ? L'ambiguité ? Et surtout pourquoi est-ce que DiCaprio se fait chier à tourmenter ces deux guignols ?
Sam : "Ils sont là pour Broomhilda."
Leo : "Tu veux dire que j'ai l'occasion de leur soutirer ENCORE PLUS DE POGNON ? Cool."
Non, au lieu de ça il pète un plomb, et sa main gauche, pour leur soutirer exactement le montant promis. Je n'ai toujours pas compris ce qui lui est passé par la tête, il faudra lui ouvrir pour lire son crâne...
Survient la fusillade pas-vraiment-finale-mais-presque, débutant par une absurdité tant thématique que psychologique. Christoph abat Leonardo sur une question de principes, pas pour ses agissements répréhensibles. Pour que ça tienne la route, Quentin lui inflige un flashback des chiens dévorant D'Artagnan à la dernière minute alors que dans l'heure précédente, ça ne lui posait aucun soucis... Et puis quelle espèce d'andouille aussi, que de tuer le big boss sans s'occuper de ses sbires immédiatement après !
Mais surtout, après avoir passé une heure entière sans aucune tension, aucune véritable menace à part se péter la main gauche en cognant sur la table, je ne retiens rien de sa mort. Ni satisfaction, ni véritable crainte, ni rien : "meh il est mort."
Comme Crépuscule de Dieu, on a vu plus costaud.
La fusillade elle même, calquée sur le final du Syndicat du Crime 2, a réussi à me dérider, grâce au bouclier humain criblé de balles qui continue de se plaindre, mais pâtit de son absence de préparation. Seule originalité : elle n'est pas la fusillade finale, contrairement à ce que je croyais, il faudra attendre encore une trentaine de minutes ( avec un super gag de la dynamite ) pour assister au règlement de compte ultime, qui n'est qu'une suite ininterrompue d'exécutions primitives, à nouveau privées d'enjeux et d'ambivalence... Tarantino est tant concentré sur les effusions d'hémoglobine qu'il laisse le film... exsangue.
J'en viens à redouter le moment où je glisserai à nouveau le DVD de Pulp Fiction dans mon lecteur. Vais-je y percevoir tous ces travers, déjà à l'époque ? Ou me rendre compte que jadis un homme répondant au nom de Quentin Tarantino a signé d'excellents films ?