Dès les premières minutes et le générique, Tarantino esquisse de sa patte caractéristique les contours d’un film qui promet de nous faire passer un bon moment. Tout y est, le rythme des images, le cheminement du chapelet d’esclaves, les mouvements de caméra, les effets de mise au point, et la musique qui nous place complètement dans l’action.
C’est dans le Sud des Etats Unis, à quelques années de la Guerre de Sécession, qu’on rencontre Django, esclave enchainé à d’autres, tous justes achetés par deux frères. Dans cette scène qui inaugure le film, nous voyons se profiler la frêle voiture de dentiste de Christopher Waltz dont l’intervention ne va pas tarder à donner le ton.

C’est avec un grand plaisir qu’on retrouve l’acteur à la diction délectable, qu’on avait pu apprécier dans Inglourious Bastards, jouant avec la langue dans toutes ses dimensions : de la diction précise et mesurée, aux différentes langues puisqu’il passe de l’anglais au français avec des accents savoureux, qu’au niveau de langue ici particulièrement soigné.

Face à lui se dresse Django, campé fermement par Jamie Foxx, rayonnant. C’est ce duo atypique que nous suivrons durant le film, en appréciant son départ fulgurant et ses rebondissements dans le scénario.

Prenant appui sur la mythologie nordique, Tarantino inverse les couleurs et le Siegfried blanc devient notre héros noir brillant, mû par un formidable amour qui lui fait franchir tous les obstacles. Poussant la référence, jusqu’à nommer sa promise Brunhild, comme dans la version originale de la Chanson des Nibelungen, on comprend rapidement que c’est là l’essence du rôle de Django.

Soutenu avec tact, par un chasseur de prime qui lui offre l’occasion de changer de rang social, il va rapidement assimiler les manières et les raisonnements des blancs et de la classe supérieure.

Au-delà de ces considérations contingentes, il y a les valeurs fondamentales dont celle d’humanité. Pendant un instant, Django et le Docteur Schulz ouvrent le débat sur la mort méritée. Pendant ce temps, l’esclavage attise et permet les perversités violentes et meurtrières, donne aux uns des droits sur les autres. Parmi l’ensemble, certains sont épargnés, soit parce qu’ils se sont approprié le discours blanc comme étant le leur, radicalisant davantage leurs pratiques, c’est le cas de Stephen (joué par Samuel L. Jackson dont la dualité épate), ou soit parce qu’ils ont d’autres arguments. C’est cette absurdité sociale, qui est montrée telle qu’elle est. C’est dans sa progression jusqu’à une fin que l’on devine, que Django apparait dans toute son exemplarité. Fidèle au rôle de Siegfried surpuissant, il force le respect de tous, et nous laisse ce souvenir.

Si le scénario peine par moments, que l’on sent des ralentissements ou que le film pourrait se terminer à diverses reprises, notre attention est toujours reprise et captivée par la suite. Si Tarantino nous a habitués à nous présenter du jamais vu : des scénarios innovants, des procédés cinématographiques qui empruntent leurs sources à d’autres univers, des films historiques revisités, bref à chaque fois quelque chose qui étonne, ici ce n’est pas aussi flagrant. Mais la force des valeurs, la réflexion qu’offre le film sont puissantes. Il sait surtout inventer des personnages mémorables, sublimer les acteurs qui deviennent charismatiques et exemplaires, restant à nos yeux, inoubliables.
gagaone
8
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le 13 févr. 2013

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