Django Unchained par Hugo Harnois
S'attendre à l'inattendu, tel est le credo des fans de Tarantino. L'ancien gérant de vidéo-club continue d'explorer des genres cinématographiques qui le passionnent. Et quand il cite Rio Bravo comme film fondateur, il n'est pas surprenant que le cinéaste réalise aujourd'hui un western. Mais il lui fallait peut-être du temps et davantage de maturité pour pouvoir s'attaquer à cet univers, et à la période qu'il a choisie : l'esclavagisme aux États-Unis.
Deux ans avant la guerre de Sécession dans le Sud de l'Amérique, un mystérieux dentiste allemand reconverti en chasseur de primes vient libérer un esclave noir du nom de Django. Il le forme pour qu'il travaille avec lui, et va l'aider à retrouver sa femme alors captive d'un riche propriétaire nommé Calvin Candie. Tarantino est taxé de raciste depuis des années et cela se précise avec Django Unchained. Pourtant, c'est bien les blancs qui sont visés ici. Par leur cruauté, leur bêtise, et leur inhumanité. Àl'image de ses acteurs qui semblent se faire très plaisir, il s'amuse à montrer des hommes faire joujou entre eux (Foxx est un enfant à qui on raconte une histoire) et à faire de ce décor son terrain de jeu. Car si les années passent, le réalisateur lui, ne grandit pas, et ne souhaite viser qu'une chose : l'art pur du divertissement.
L'artiste devait atteindre deux objectifs majeurs pour Django Unchained : remettre au goût du jour le genre du western spaghetti, et réussir à conserver ses propres codes. Avec une mise en scène parfaite et plus ambitieuse où chaque plan est un délice, la magnifique photographie permet de nous faire entrer dans une ambiance que l'on n'a pas envie de quitter. Non, la musique n'est pas principalement d'Ennio Morricone, mais grâce à une bande son aussi surprenante qu'hétéroclite, Tarantino réussit à réinventer un western cohérent et très original. Premier objectif atteint.
La caméra qui tourne sur des personnages en cercle à la Reservoir Dogs, des dialogues aussi tordants qu'inutiles à la Pulp Fiction, une profusion d'hémoglobine à la Kill Bill, une déclaration d'amour à un genre cinématographique tel que Boulevard de la Mort, la victoire du cinéma sur l'Histoire à la manière d'Inglourious Basterds. Nous l'aurons compris, les références sont nombreuses. Et si le scénario reste simple en soi, la magie du cinéaste nous fait accrocher dès la première note de musique, jusqu'à la toute dernière seconde. Deuxième objectif atteint.
Et pourtant jamais Tarantino ne fait du réchauffé car il bien trop intelligent pour ça. Sa puissance créatrice nous permet une fois de plus de rentrer dans un monde kitch, violent, poétique. Son monde. Plus sérieux et plus mature, on sent l'évolution dans sa filmographie (jamais Tarantino n'aurait fait ce genre de films dans les années 1990). Avec une écriture totalement accomplie et une narration qui s'intensifie de manière croissante, la notion de Bien et de Mal n'est jamais vraiment avérée.
Alors non, nous ne serons pas original en disant que Django Unchained est un chef-d'œuvre. Mais si la critique et les spectateurs sont unanimes, c'est bien que tout le monde a reconnu en Quentin Tarantino un réalisateur brillant et hors des normes cinématographiques imposées. Si ce dernier se fait littéralement détruire par sa propre création (Django) pour qu'elle puisse enfin être libre, le cinéaste bravera tous les âges en laissant son empreinte d'artiste dans le monde du Septième Art. Par sa connaissance, sa folie, son génie.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.