Il est vrai que Django est un "esclave" plutôt brut de décoffrage ! Il n'hésite pas à sortir le Colt, trouer des têtes, des torses, ou même des entre-jambes, tout en chevauchant sa monture tel un Zorro du Sud américain.
Mais c'est surtout l'auteur de ce film d'époque, ce cher Tarantino, qui se déchaîne en nous offrant sa nouvelle production : un long-métrage gourmand, travaillé, très humoristique et surtout généreux.

Nous sommes donc plongés, dès l'ouverture du film, dans le Sud des États-Unis, deux ans avant la guerre de Sécession. Le Docteur King Schultz, un chasseur de primes allemand, achète ainsi un esclave Noir, du nom de Django. L'objectif de ce faux dentiste étant de retrouver les frères Brittle, trois hors la loi à faire tomber. En aidant Schultz, Django achète sa liberté. Mais cet esclave se prend très vite au jeu de la chasse et il fait tomber les têtes comme des quilles de bowling. Cela n'échappe pas à Schultz, qui propose à Django d'être son partenaire pour sa chasse hivernale.
Un parcours qui les amèneront chez Calvin Candie, un propriétaire d'une immense plantation. L'homme aussi riche que cruel, détient Broomhilda, la femme de Django. Mais cette mission sauvetage ne sera pas sans danger...

Un récit qui met en perspective des sujets phares dans l'oeuvre du réalisateur : la vengeance, la violence et les liens sociaux. Et pour "Django Unchained", Tarantino continue à creuser ces problématiques sociales autour des questions de la discrimination raciale. Et comme Quentin est un grand enfant et surtout un grand "foufou", il retourne les "codes" historiques par la thématique de la vengeance. Dans "Inglourious Basterds", les juifs scalpaient du Nazi. Dans "Django Unchained", un Noir fait tomber des têtes blanches.

En ce sens, le dernier opus de Tarantino ressemble étrangement à son prédécesseur. Ce qui était prévisible, à la vue du récit historique mettant en valeur un personnage de "la race inférieure". D'autre part, dans l'une de ses dernières interviews, le réalisateur a évoqué sa volonté de constituer une trilogie d'oeuvres historiques, comportant comme deux premiers opus, "Inglourious" et "Django".

Dès lors, on retrouve un film de longue durée, alternant scènes de dialogue autour d'une table (lors d'un repas ou autour d'un verre) et scènes de fusillades bien sanglantes. A cela s'ajoute un filtre humoristique en trame fond, à la sauce Tarantinesque.

Dès lors, ce qui peut décevoir, c'est qu'aujourd'hui Tarantino fait tout le temps la même chose et de façon quasi-similaire. En même temps, il n'y a que Tarantino pour faire du Tarantino. Et ce dernier le fait toujours bien. Alors, pourquoi pas !
On a donc droit à des séquences mémorables : celle, clownesque, mettant en scène des membres du Ku Klux Klan, (ne sachant pas porter leur cagoule blanche), ou encore la première scène du film, exposant l'achat de Django par le Docteur Schultz.
Mais une des plus impressionnantes reste la scène du repas, au sein de la demeure de Calvin Candie. Dialogue, mise en scène, jeu d'acteur. Tout y est. Et l'on sent considérablement monter une pression pesante, mais terriblement cinématographique.

Tarantino aime le cinéma violent et il nous le rappelle ici. Côté hémoglobine, Quentin met le paquet ! Les fusillades tâchent l'écran, à l'image de l'une des séquences finales, où les personnages engagés sont de véritables sacs de viande. C'est surfait, mais c'est du western spaghetti, du cartoon. Donc du Tarantino à prendre au dixième degré, pour pouvoir en rire.

L'auteur est aussi devenu culte pour ses B.O travaillées. Pour "Django Unchained", ce n'est pas ce qui fracasse le plus. Les musiques sont de qualité, mais ne "bousculent" pas. On reste sur une bande musicale très appropriée au contexte narratif. Certes, il y a des petites touches qui font leur effet, notamment lorsqu'on entend un son de Rick Ross accompagnant une scène de balade sauvage.

Autre point qui fait la force du réalisateur : son casting. Et là, toute la distribution et au rendez-vous.
Christopher Waltz, pour commencer. Toujours aussi charismatique, toujours aussi bon dans son rôle de composition. Toutefois, Schultz rappelle trop Landa. Origine allemande, même tics de langage et d'expression, même posture... Bref, il faut avouer que Schultz est plus sage que le Colonel Nazi, mais on ne peut s'empêcher d'y penser.
Jamie Foxx en impose : charisme, prestance. Il n'a même pas besoin de jouer. Le mec à une gueule, la gueule de Django vue et imaginée par Tarantino.
DiCaprio épate, encore une fois. Je pensais qu'il allait m'agacer dans le rôle du "méchant", mais en réalité non. Sa prestation est contrôlée et soignée. Quentin sait diriger ses acteurs.
Et enfin, ce bon vieux Samuel L. Jackson... méconnaissable ! Et surtout détestable dans le rôle de ce vieux Noir vendu aux Blancs, faisant des courbettes excessives à son maître, Mister Candie. Encore un acteur qui peut jouer tout ce qu'il veut, quand il le veut !

"Django Unchained" est donc un film réussi, un film qui ressemble à son créateur. Mais un film qui, personnellement, fait trop écho à son prédécesseur. Même si l'âme "Western" a toujours plané dans l'oeuvre de Tarantino et que ce "Django" est une consécration réussie au genre cinématographique fétiche du réalisateur, le contenu ne se distingue pas assez pour en faire un chef d'oeuvre.

Dès lors, ce long-métrage m'a permis de me rendre compte à quel point "Inglourious Basterds" est un film réussi, peut être le plus réussi dans la filmographie de l'auteur ! Car, tout y est : violence accrue, scène de dialogue maîtrisée, contre pied historique et humoristique. Des ingrédients présents ici, mais avec l'originalité en moins.

D'ailleurs, Aldo Raine est hanté par l'esprit du réalisateur, quand il réplique avec prédiction : "You know somethin', Utivich? I think this just might be my masterpiece.".
Théo-C
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le 20 janv. 2013

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Théo-C

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