La mise en abime se produit lorsque des miroirs se font face et emboitent leurs reflets l'un dans l'autre jusqu'à l'infini.
Ce film d'Almodovar marche de cette façon. Il y a un film dans le film, dans le film, dans le film...


Le premier film dans le film est son retour sur son enfance. Sa mère, astre solaire, qui le protège et encaisse tout pour lui assurer un avenir. Dormir par terre comme des gitans, dans une gare vide. Vivre dans une maison troglodyte. Envoyer son fils au séminaire pour lui assurer des études.
En contrepartie la voilà présente, pleine de reproches dans sa vie d'adulte. Si il ne digère pas sa mort, il solde quand même quelques comptes avec elle. Mais les reproches ne sont que du cinéma. Et la dernière scène, superbe, est pour elle.


Le second film dans le film est un point sur son premier succès 30 ans auparavant. Un film dont on ne voit que le générique mais qui fait plaisir aux cinéphiles, de Madrid et d'ailleurs. Jusqu'en Islande. Oui pourquoi l'aime t'on tant en Islande? Ce film, ce succès, fait resurgir et conclure une brouille avec l'acteur principal qui n'avait pas respecté les consignes de jeux. Coupant la légèreté tant désirée par un jeu sombre, mais qui somme toute semble bien convenir après toutes ces années. Cette brouille l'avait empêché de les revoir, l'acteur et le film pendant tout ce temps. Heureusement les cinéphiles vont forcer les retrouvailles.


Et troisième film dans le film, les retrouvailles amènent la découverte d'un texte très autobiographique que l'acteur autrefois haït, est autorisé à monter en pièce. Elle fait revivre ses années folles. Les consignes de jeu cette fois sont simples et respectées. Seul sur scène, en contenant les larmes et sans les lâcher, il raconte son amour qui est parti et au travers du théâtre revit, et puis par hasard resurgit dans le public, et bientôt dans sa vie. Où est la vérité, où est le fantasme?


On contemple le passé. On fait le point. Comme pour un contrôle de santé. Comment va le patient?
Difficile à dire. Il est mal en point, hypocondriaque. Il souffre de partout. De la tête, du dos, de la gorge. On le drogue. Et il se drogue par lui même. L'héroïne sert de sérum pour supporter ses maux et les fantômes si nombreux de son passé.


Il nous emmène donc dans des circonvolutions entre son passé, son présent, ses souvenirs et ses fantasmes. Tout cela dans un rythme très rapide qui ne se voit pas. C'est une mise scène spectaculaire et si on a la chance d'être pris dès le début par l'histoire on est transporté pendant tout le film. J'ai eu cette chance. A contrario mon voisin dans la salle est parti au bout d'une heure. Car si comme lui on rate le rendez vous on peut s'y ennuyer fermement. Car c'est un film très narcissique, très verbeux et s'il ne s'agissait pas d'Almodovar, le personnage principal serait il si intéressant?


Mais c'est d'Almodovar dont on parle. D'après sa gouvernante, un type chez qui rien n'est normal. Il vit dans le noir avec des tableaux dans un bel appartement à la décoration chatoyante aux couleurs qui rappellent les affiches de films de la movida, bleu, jaune, rose, rouge le tout très saturé. Il appelle son agent à n'importe quelle heure sans prendre aucun soin de savoir si elle est heureuse ou non (au moins le confesse t'il ici aimablement), il se drogue avec application, il ne voit personne. Mais le mélange fonctionne joliment, comme dans la générique du début. Les peintures sont mixées lentement mais ne se mélangent pas complètement. Elles restent séparées et forment par le mouvement, des ondulations, des motifs compliqués mais élégants. Banderas incarne ce petit bonhomme à la fois fort et affaiblit, Pénélope Cruz, sa mère forte, vivante et aimante.
Une vie d'artiste.

OlivierBretagne
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le 17 mai 2019

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