Coup de maître de Sydney Lumet. Classique immédiat avec Henry Fonda. La base du film judiciaire... !

Pour son premier long-métrage, Sydney Lumet, qui a déjà travaillé pour la télévision et le théâtre, s'attaque à l'adaptation d'une pièce de théâtre de Reginald Rose créée en 1953. Celui-ci en profite pour se faire scénariste. Super Reginald ! Pour information, il a également écrit le script de "L'homme de l'Ouest" (d'Anthony Mann) et des "Oies sauvages" (avec Roger Moore) notamment, avant sa disparition en 2002. A l'initiative du projet, Henry Fonda est aussi producteur, tout comme Reginald. On peut donc dire que c'est grâce à Henry Fonda (il a déjà tourné avec Ford ("Les raisins de la colère", "La poursuite infernale", ...), Lang ("J'ai le droit de vivre"), et sort du non-moins connu "Guerre et paix" de Vidor) que le grand Sydney a fait ses débuts. Merci Henry ! "12 hommes en colère" sort donc en 1957 sous la houlette de Sydney Lumet. Synopsis : accusé d'un parricide, un adolescent risque la peine de mort ; le jury se retire pour délibérer. Il s'avère qu'onze jurés sont d'accord pour plaider coupable. Connaissant la présomption d'innocence et ayant voté non-coupable, le juré n°8 (Henry Fonda), sommé de s'expliquer, va tout mettre en œuvre pour les faire changer d'avis un à un... . Avec ce scénario implacable, Sydney Lumet s'offre un film judiciaire aux antipodes car se déroulant dans une seule et même pièce ! Et ce, à l'inverse des films habituels qui prennent le tribunal comme un lieu de jugement : "Le verdict" (toujours de Lumet !), "Le droit de tuer" (de Schumacher), "Sleepers" (avec DeNiro) et "Meurtre à Alcatraz" (avec Kevin Bacon) en sont de parfaits exemples. Un film à prendre en compte les jurés est "Le maître du jeu" (avec Dustin Hoffman) qui distille un peu la même ambiance. Avec "12 hommes en colère", c'est non seulement le lieu qui est important, mais aussi le temps qui s'écoule. Le film débute lorsque les jurés rentrent dans la salle exigüe, et ils en sortent quand le film se termine. On a vraiment l'impression que tout se passe en temps réel. Alors oui il s'agit d'un théâtre filmé, et l'essence même ressort de l'ambiance instaurée par Lumet. Sydney en profite pour creuser la psychologie des personnages et met à égalité le rôle des jurés pour un jugement qu'ils dénigrent tous un peu. Je ne vais pas aller à l'analyse de chaque personnage, mais chaque juré a sa part de vérité (son opinion qu'il peut se faire), et chaque dialogue qui en découle est non seulement porteur d'un message de liberté (ou non), mais aussi le réquisitoire de la justice elle-même (comment fait-on la différence entre le bien et le mal). Ce qui est bien, ici, c'est que Sydney Lumet pose les failles de la justice américaine dans la case scénario-personnages-dialogues. Très beau point Sydney !! Et tu gagnes ici toute la confiance de Hollywood et du cinéma mondial a vouloir influencer une nouvelle génération (je pense bien sûr aux Coppola, Scorsese et consorts). Ensuite, Sydney met dans son huis-clos une galerie d'acteurs tous charismatiques à souhait. Il n'y a pas une ou deux têtes d'affiches, ils sont tous impériaux dans leurs rôles, jurés, adolescent ou juge. Je vais juste me contenter d'apprécier à ma juste valeur la direction d'acteurs de Lumet (ceci n'engage que ma personne). Il y a en premier Joseph Sweeney (vu au cinéma aux côtés de Gregory Peck dans "L'homme au complet gris"), très bon dans le rôle du vieux sage, avec une interprétation toute en délicatesse. Vient ensuite l'affrontement Fonda-Lee J. Cobb (il a joué dans "Sur les quais" avec Brando, "F. comme Flint" (avec pour partenaire Coburn), "L'exorciste"...) qui tient toutes ses promesses. Puis en seconds couteaux (c'est le cas de le dire !!), E. G. Marshall ("La poursuite impitoyable" (d'Arthur Penn), "Superman 2". Il a été dirigé pour la dernière fois par Clint Eastwood pour "Les pleins pouvoirs"), Ed Begley ("Bas les masques", "Doux oiseaux de jeunesse" (tous deux de Richard Brooks). Il reçoit pour ce second film l'Oscar du meilleur acteur dans un second rôle) et Rudy Bond ("Un tramway nommé désir", "Le parrain"), parfaits, tout simplement. Notons aussi la présence de Martin Balsam (vu dans "Psychose", "Little big man", "Les hommes du président" et tant d'autres... !) et de Jack Warden ("Mort sur le Nil" (avec Ustinov), "Le verdict", "L'avocat du diable" (tous deux de Lumet lui-même)...), non inconnus au bataillon, et pourtant, non appréciables au titre d'acteurs de premier plan. Ils font partie d'un ensemble d'acteurs qui est ici non reconnaissant à leurs faveurs. Dommage Martin et Jack ! Ajoutons là-dessus le parachèvement, l'ultime, la mise en scène au cordeau de Sydney Lumet : plans élargis en première partie partie qui vont se resserrer sur les acteurs en seconde partie. De l'application donc, de l'implication. Le résultat est une maîtrise du suspense qui monte crescendo et qui va aboutir à un final (certes connu d'avance) mais bougrement efficace. "12 angry men" est finalement signé d'une patte reconnaissable, une griffe incontestable qui a marqué le genre du film judiciaire. Coup de chapeau maître Lumet ! ...regretté par ailleurs, tout comme ses acteurs, au sommet de leur art. Une œuvre posthume si l'on peut parler ainsi. Je ne sais pas s'il s'agit d'un chef d’œuvre ou d'un film culte, en tout cas il fait partie des classiques du cinéma. 56 ans !, et pas une ride (sauf pour la musique). Indémodable !! Ours d'or 1957. Une claque cinématographique, amis spectateurs, qui ne vous laissera pas le temps de monter... un escalier !!

brunodinah
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le 5 mai 2019

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