Je rejoins à mon grand regret les rangs des déçus de cette itération par Villeneuve car si tout n'est pas à jeter, loin de là, les erreurs l'emportent et, à l'image de cet éloge photographique de la grisaille, ternissent par trop le plaisir à explorer l'univers de Dune.
Alors oui, les acteurs font plutôt bien le job, les vers de sable ont de la gueule, les orni et les vaisseaux spatiaux sont classieux, l'esthétique des Harkonnens sonne comme un bel hommage à Giger (prenant toutefois le risque d'en faire de banales figures du Mal), les costumes m'ont globalement plu, l'utilisation de la Voix est souvent bien rendue, la (trop) brève scène sur Salusa Secundus claque. Et oui, il faut reconnaitre la grande difficulté à vouloir mettre en scène un tel récit aux hautes ambitions philosophiques, politiques et mystiques et qui passe énormément par des phases introspectives de pensées, de ressenti voire de raisonnements tortueux de ses personnages.
Et c'est justement dans ses choix d'écriture que le film se loupe. Il ne parvient jamais à trancher dans ce qu'il veut conserver ou non des livres ; résultat, il y en a toujours trop ou pas assez. Pourquoi laisser autant d'esquisses d'éléments qui ne sont pas développés (le taureau, les mentats...), sauf à vouloir séduire les fans qui risquent plutôt d'en ressentir une frustration plus grande encore ? Déjà que le film ne se laisse pas le temps et rushe une exposition qu'on aurait apprécié plus posée, afin de permettre de mieux percevoir le niveau d'excellence quasi-légendaire des personnages et les liens forts qui les unissent. Dame Jessica est vraiment celle qui souffre le plus de cette rapidité d'exécution, apparaissant ici comme une pleurnicheuse à la ramasse alors qu'elle est censée être d'une puissance physique et psychique incroyables. Même Paul semble banal alors qu'il est le fruit des meilleures méthodes éducatives militaires et Bene Gesserit.
On sent que Villeneuve se dépêche d'arriver au désert, imagerie mythique de cette saga, mais cela ôte souvent toute tension à certaines séquences pourtant clés (la remise du Krys, la 1ère rencontre avec les Fremen) ; on ne perçoit plus le danger et la menace qui rôdent constamment. Le montage participe parfois de ce désamorçage, en coupant trop l'action. Le film fait également l'impasse sur des thématiques pourtant essentielles de Dune : le développement humain (aucune référence au Jihad Butlérien qui fonde la logique de cet univers) et la valeur fondamentale de l'eau sur Arrakis, qu'on ne ressent pas suffisamment, d'autant qu'elle est parfois sacrifiée à la licence cinématographique (le port très négligeant du distille ou le combat contre Jamis en plein jour à l'air libre).
Le défi était indiscutablement ardu, peut-être trop, ou alors il faudrait une version longue avec 1 heure d'exposition initiale de rab pour donner véritablement vie à ces personnages mythiques et nous faire vibrer avec eux quand le destin se décide à les emporter dans ses tempêtes. Allez, on garde quand même espoir pour la suite.