Dunkerque, Nolan là où l'on ne l'attendait pas

Voilà donc le fameux Dunkerque, dernier film en date de…… Christopher Nolan ! (Là l’idéal serait que vous imaginiez entendre le « DOOOMMMM » d’Inception, cela rajouterait un effet des plus magnifiques)
Vu l'importance de l’événement il est intéressant de revenir dessus d'autant que je pense qu’il y a pas mal de choses à en dire.


Mais avant de vous livrer mon impression sur le film en question, j’aimerai revenir sur mon rapport avec son réalisateur, le fameux Christopher Nolan ! (Une fois encore je vous invite à vous représenter le « DOOOOMMMM » histoire de rajouter de la tension)


Christopher Nolan est un réalisateur, que j’ai pendant très longtemps admiré. Je l’ai personnellement découvert avec sa mythique saga du chevalier noir, The Dark Knight a par ailleurs été mon film favori durant de nombreuses années, avant de se voir détrôner par un certain Snowpiercer. Quand j’ai découvert ses autres films, à chaque fois c’était l’émerveillement, de Memento jusqu’à Inception en passant par Le Prestige, tous ces films m’avaient profondément plu.
Nolan s’était alors imposé à mes yeux comme un réalisateur incroyable, exceptionnel, grandiose et surtout comme mon réalisateur préféré !
Mais avec le temps les choses ont évolué…


Alors avant de solliciter l’inquiétude je tiens déjà à préciser que porte toujours Nolan en grande estime, il reste toujours à mes yeux un réalisateur ambitieux dont j’apprécie et respecte le travail. Mais voilà son statut de réalisateur de génie n’a plus cours aujourd’hui, et je me montre beaucoup plus critique à l’égard de son œuvre.
Cela a notamment pu s’observer avec les deux films précédant Dunkerque, à savoir Interstellar et The Dark Knight Rises, que j’ai beaucoup aimé voir, mais dont les nombreux défauts m’auront assez vite fait relativiser leurs qualités (principalement pour The Dark Knight Rises, qui, avouons-le nous, est loin d’être une réussite). Et ces défauts grèvent les autres films de Nolan.
Il faudrait rentrer en détail et consacrer de nombreuses lignes à ce que je reproche au cinéma de Christopher Nolan, mais je n’oublie pas que le sujet du jour est Dunkerque, donc nous ne nous étendrons pas. Mais si l’on devait résumer tout cela en un problème majeur, cela serait celui de l’explication.
En effet Nolan aime nous plonger dans des récits de prime à bord complexes à saisir, et pour ne pas rebuter le spectateur tous ses films nous abreuvent d’explications en tous sens. Généralement les dialogues sont là pour accompagner le spectateur, ou alors pour lui délivrer des discours en apparence incroyablement percutant. Le problème c’est que cela peut mener à une narration ultra lourdingue (voir en ce sens Le prestige), ou à des structures de récits beaucoup trop linéaires et donc prévisibles (ici Interstellar en est un bel exemple), voir à des films avec des propos qui se veulent hautement intelligent mais qui s’avèrent assez stériles (et là The Dark Knight Rises fait office de cas d’école).
Il s’agit d’un aspect extrêmement redondant dans le cinéma de Christopher Nolan, et qui à force commence à sentir la routine.


Et c’est justement là que Dunkerque apparaît comme un film salvateur dans la filmographie de bonhomme.
En effet voilà que se produit quelque chose d’incroyable, voici un film qui se veut essentiellement sensoriel !!!
Venant de la part de Christopher Nolan, voilà qui est surprenant. Les raisons de ce choix me sont personnellement inconnues mais j’aime imaginer qu’après avoir fait son Interstellar, notre ami Christopher a découvert Gravity (qu’il n’avait pas vu avant de faire Interstellar), et qu’il s’est alors rendu compte de l’indéniable supériorité de ce dernier, tenant notamment au fait que Gravity est une expérience sensorielle totale (bon il ne s’agit là que d’une théorie personnelle mais je l’aime bien).


En tout cas quel que soit la raison de cette démarche qui fut entreprise, celle-ci est à saluer quoi que l’on pense du résultat final, car elle témoigne d’une véritable prise de risque pour Nolan, ou du moins d’une volonté claire de ne pas rester dans sa zone de confort.
Ainsi Dunkerque nous propose de suivre trois segments narratifs différents, et nous plonge à chaque fois immédiatement au cœur de l’action.
La toute première séquence (et la plus réussie) affiche clairement la volonté de nous livrer à une expérience immersive totale. En n’ayant recours à quasiment aucun dialogue pendant plusieurs minutes (oui, oui dans un film de Nolan, c’est complètement fou !), cette scène arrive à créer une tension palpable seulement par l’image. Tension que le film aura bien du mal à retrouver par la suite, mais nous y reviendrons après, restons encore sur les aspects forts du film en évoquant l’aspect sonore.
Alors évidemment nous avons droit au travail de Hans Zimmer qui nous livre une musique tonitruante, mais surtout la grande réussite tient dans essentiellement dans le « sound design ». Les explosions, les impacts de balles, les soldats frappant contre la paroi d’un bateau, etc. tous ces sons ressortent avec une forte intensité, et qui nous fera ressentir de nombreux frissons.
A cela il faut ajouter la mise en scène, toujours assez fonctionnelle mais très élégante, on a droit à des cadrages précis, à de longs plants faisant la part belles aux décors réels.
Mais c’est justement là qu’un premier hic intervient, ce qui va nous permettre d’aborder les points « fâcheux » du film.


Malheureusement malgré la réelle ambition de la démarche ici entreprise par Nolan, accompagnée des efforts concrets en vue de la mettre en œuvre, je n’ai pas été pleinement conquis.
Déjà revenons en ont à la mise en scène, outre un aspect assez « académique » ce qui pose un véritable souci c’est que l’ensemble est très froid, et beaucoup trop léché pour un tel sujet, cela ne correspond pas vraiment à l’horreur de la guerre. De même le film est souvent trop « propre » lors des différentes scènes d’assaut, au final on est bien loin de la scène d’ouverture du Soldat Ryan ou encore des séquences de guerre du récent Tu ne tueras point de Mel Gibson.
Mais le véritable problème de Dunkerque vient justement de son postulat. En ayant fait le choix de nous livrer une expérience se voulant essentiellement sensorielle, Nolan nous propose de suivre des protagonistes dont on ne sait absolument rien et cela va être un vrai frein pour l’empathie que l’on aura à leur égard, car il sera bien difficile de s’intéresser à des personnages que l’on ne connait pas. En fait il s’agit d’un problème découlant des différents segments que l’on doit suivre. Car cela nous contrait à faire des va et vient incessant entre chaque récit, c’est la raison pour laquelle il devient difficile de s’intéresser aux personnages. Pour que l’expérience soit totale il aurait été plus judicieux de ne se focaliser que sur un seul segment, et de préférence celui du soldat cherchant à fuir la plage (parce que ne nous mentons pas les deux autres ne sont pas des plus folichons à suivre en soit).
De même les trois séquences ne convergent ensemble que vers la fin, et durant les deux bons tiers du film, il y a un gros problème d’unité entre ces séquences. Pour le dire autrement d’un coup on aura un passage tendu et puis d’un coup une coupure vers une autre séquence plus « calme », enfin voilà cela n’aide pas à la cohésion d’ensemble.
Et c’est bien ce qui m’aura personnellement empêché de me sentir impliqué dans le film pendant plus d’une bonne heure et quart, sans compter les 10 premières minutes.
Je pourrai aussi rechigner sur les dernières minutes du film, qui nous abreuve de bon sentiments forcés, et qui de surcroit s’avèrent en contradiction avec l’ambivalence de certains personnages que le film essaye de traduire, mais il ne s’agit là que d’une broutille.


En définitive Dunkerque est un film qui témoigne d’une très belle initiative, mais qui peine à convaincre. En réalité Dunkerque confirme que Christopher Nolan est un auteur ambitieux, intéressant à suivre, mais dont le travail est perfectible. Mais n’est-ce pas là le propre de tout artiste ?


Donc si je devais mettre une note cela serait : intéressantsansêtrevraimentcaptivant/20


(Précision : la note indiquée sur 10 ne représente qu'une indication de mon ressenti face au film et en rien une appréciation objective du résultat final)

thedate29
6
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le 29 juil. 2017

Critique lue 283 fois

thedate29

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