Un chef d'oeuvre envoûtant spielberguien. Une 'rencontre du troisième type'. Téléphone maison ?.....

Tout juste sorti du succès international des « Aventuriers de l’arche perdue » qui lancera cette désormais célèbre trilogie d’aventures, Steven Spielberg, un réalisateur sur qui on peut dès à présent compter en ces années 1980, se penche sur un de ses autres péchés-mignons, la science-fiction. Qu’il a déjà abordé deux fois en tant que réalisateur : « Firelight », « Rencontres du troisième type ».
« E.T. », présenté en avant-première mondiale au Festival de Cannes 1982, fait sensation. Le succès est immédiat et unanime (public, critique). La gloire fera le reste.
Les recettes nationales (400 millions de dollars sur le sol américain) permettront au metteur en scène de créer Amblin (avec Miss Kathleen Kennedy et le producteur-réalisateur Frank Marshall), une société de production indépendante. Bravo Spielberg !


Bien qu’aujourd’hui connu de tous, voici le scénario : en mission de reconnaissance botanique, des extra-terrestres, qui viennent d’atterrir dans une prairie, oublient l’un des leurs qui s’est aventuré plus loin, en forêt. Résultat : la soucoupe s’envole et ce dernier reste sur Terre loin de son peuple.


La scénariste Melissa Mathison (l’ex-Madame Harrison Ford retrouvera Spielberg pour « Le bon gros géant ») brigue son scénario et arrive à nous captiver grâce à l’enchaînement des situations et aux thèmes chers à Spielberg, l’universel. Dans cette essence faite de naïveté, d’inconscience, de peur, d’autonomie, de sagesse, de sûreté, …, les êtres se rapprochent pour former une unité de lieu, de temps et… d’espace (sic !). Une certaine écriture filmique transparaît (la délicatesse de l’extraterrestre, la gentillesse du gamin), et grâce à ces thèmes spielberguiens, une histoire apparaît, un conte enfantin se dessine, une poésie naïve se met en place. Le scénario, qui peut paraître banal aujourd’hui, tissé de main de maître, prend racine au plus profond de la chair spielberguienne.
N’en déplaise aux adultes qui n’apparaissent pas ou très peu dans le film de Steven. Surtout les pères de famille. Sans doute le désir du réalisateur de tourner la page ou au contraire de dédramatiser et de rester l’enfant qui s’émerveille d’un rien : un rêve de gosse. Ou peut être un peu des deux.
Ici, je pense que Spielberg montre que les adultes sont vus comme une intrusion dans le monde de l’enfance. Le personnage d’E.T. est également naïf et a besoin de cette maman, d’une protection. Ce que le jeune Steven a pu bénéficier durant son enfance jusqu’à la vingtaine. Dans « E.T. », les hommes (la police) sont armés et veulent la sécurité (au passage, superbe transition de rythme lorsque l’armée débarque dans la famille) alors que les enfants n’ont d’yeux que pour la liberté. L’amour, l’enfance, autant de thèmes universels manipulés avec délicatesse par le poète Spielberg.
D’autant qu’il révolutionne le cinéma par une innovation scénaristique en montrant l’alien venu de l’espace comme un personnage gentil, une première dans l’histoire du cinéma. Bravo Melissa ! Belle pioche.


Au niveau du casting, on atteint le firmament spielberguien.
Dans la peau du héros, l’enfant Henry Thomas est cet Elliot extra-lucide, extra-ordinaire, extra-bambin, extra-attachant. Vous l’avez compris, Henry Thomas, 10 ans sur le tournage, tient le film sur ses toutes petites épaules mais tellement grandes par sa simplicité de jeu dont se dégage de la candeur. Et surtout, avec cette scène culte devant la lune (qui deviendra par ailleurs l’emblème de la société de production Amblin), l’acteur (qui a déjà joué avec Sissy Spacek pour « Raggedy man » et qu’on retrouvera chez Schatzberg, Forman, Scorsese…) crève l’écran et par sa facilité déconcertante à nous émouvoir nous fait rentrer de plein fouet dans ses aventures fantastiques. Splendide et… enfantin !
A ses côtés, Robert MacNaughton (acteur de théâtre connu du cinéma pour ce rôle), convaincant à souhait, est Michael, ce grand frère protecteur qu’on aimerait tous avoir.
Dans le rôle de la mère : Dee Wallace. Parfait. Actrice spécialiste des films d’épouvante/horreur des 80’s avec « Hurlements », « Cujo » et « Critters » notamment.
Drew Barrymore -filleule de Spielberg, star à 6 ans. Déjà ! « Scream », la trilogie « Charlie’s angels » …-, Gertie, la sœur d’Elliot, est pour moi l’élément enfantin un peu trop délicat dont avait malheureusement besoin le réalisateur de « Il faut sauver le soldat Ryan » pour amener de la subtilité à son propos.
Peter Coyote (« Sans retour » de Walter Hill, « Lunes de fiel », « Erin Brockovich », la série « Les 4400 »), quant à lui, complète le tableau en imposant sa figure de scientifique bourru dans ce monde où l’alien est l’ami idéal d’un enfant qui n’a aucun repère dans la vie.


A cela, s’ajoute les décors californiens très bien esquissés, une lune ronde made by Spielby et les collines et forêts des hauts de Los Angeles très bien mis en valeur par le chef décorateur James D. Bissell (qui retravaillera sur le film-séquence « La quatrième dimension » dont le Papa d’E.T. en réalisera une). Ou quand le décorateur des derniers « Mission impossible » et le directeur artistique de « Jumanji » allie sens du rythme, de montage et de caméra. C’est-à-dire lorsque les décors desservent au diapason l’action. Bravo E.T. !


Et quand on parle du personnage d’E.T., on peut parler de la lumière qu’il nous transmet par la caméra tenue par le metteur en scène de « La liste de Schindler ». Et ici, la lumière nous est transmise via le directeur de la photographie Allen Daviau, proche collaborateur spielberguien : on lui doit les lumières de « La couleur pourpre » et « L’empire du soleil » notamment. Un chef opérateur en or donc qui contribue à ces fameux cercles spielberguiens sur lesquels je reviendrai plus bas.
Tout comme la musique encore une fois orchestrée et composée par John Williams. Tonitruante, elle participe à la magie spielberguienne. Comme son thème de « Superman » qu’il reprend pour la troisième fois avant la sortie de « E.T. » au cinéma.


Cette production Universal et Amblin montre encore une fois Kathleen Kennedy au poste de productrice (elle lancera la carrière d’un certain M. Night Shyamalan à l’aube des années 2000 en finançant « Sixième sens » et « Signes »), tout comme Frank Marshall qui ici se fait superviseur de la production.


Maintenant, place aux effets spéciaux. Ils sont parfaits, millimétrés et quoi qu’un peu balourds dans leur apparence, ils font preuve d’astuce quand le cinéaste veut nous emmener en sa compagnie.
Pour commencer, E.T., créé par Carlo Rambaldi, lui qui avait déjà conçu l’extraterrestre final de « Rencontres du troisième type », pas très apte à marcher sur notre Terre fait preuve de dextérité et d’imagination pour nous emporter dans la télépathie qui le lie à Elliot. Très beau point, Messieurs Rambaldi et Spielberg !
D’autant que ce dernier se sert de la firme ILM pour son film. Et donc d’utiliser la pointe de la technologie du moment. Ainsi, le superviseur des effets visuels n’est autre que Dennis Muren, alors seulement âgé de 35 ans. Merci Dennis. Pionnier des effets spéciaux chez ILM, il connaîtra la consécration avec « Jurassic park » et « Terminator 2 ». Il collaborera pour Spielberg sur « Le monde perdu », « Intelligence artificielle » et « La guerre des mondes ». 35 ans et pas encore à son apogée. Là, je dis joker et chapeau bas, Monsieur Muren. L’équivalent d’un Stan Winston en d’autres termes.
Ses proches assistants se nomment Robert Elswit et Don Dow, cadreurs sur ce film. Le premier sera le futur proche collaborateur de Paul Thomas Anderson (« Boogie nights », « There will be blood », « Inherent vice » …) quand le second travaillera en tant que caméraman pour ILM (« Star wars » 5 et 6, « Star trek » 2, 3 et 4, …).
Je pense que c’est pour cela que les effets et l’image sont ici très nettement travaillés en dépit de l’universalisme spielberguien qui s’appuie trop sur le personnage d’E.T. et la poésie naïve sur laquelle Spielberg s’entasse.


Ce qui me fait arriver tranquillement au point de la mise en scène, tout comme « E.T. » semble prendre son chemin et son temps.
Spielberg raconte une histoire mais pas n’importe laquelle. Celle d’Elliot et d’E.T. Mais plus certainement celle d’E.T., cet alien si souriant et si loin de chez lui. C’est à lui qu’on s’identifie finalement. C’est à partir de cet instant que l’intrigue se met en place et que le spectacle de Spielberg prend forme. Un spectacle spectaculaire et tellement incroyable qu’on ne zappe pas. Ici, le cinéaste franchit un pallier en se prenant d’affection pour un être vivant qui n’est pas humain. Et de nous immerger un peu plus dans son récit initiatique, sa quête de protection, de vérité. Ce spectaculaire sera rendu à merveille dans le final, cette magie à laquelle Spielberg insuffle romantisme et bons sentiments via la musique de John Williams qui donne le la et le relief du film dont avait besoin « E.T. » pour se terminer. John Williams enclenche sa partition pour nous envoûter au son de la mise en scène de Spielberg. Le suiveur du réalisateur prend le dessus pour mieux nous rendre compte de la situation. Merci John et merci Steven.
A cela s’ajoute les cercles lumineux de Spielberg (et d’Allen Daviau ici) qui viennent obnubiler chaque plan. Et comme la nuit est propice à ces ronds lumineux, le cinéaste nous fait découvrir les torches allumées des policiers, la lumière des lampadaires, les étoiles, sa lune devenue mythique par la suite, les halos lumineux des phares des voitures, la lumière des lampes à l’intérieur des maisons… tout est prétexte à nous donner ces ronds qui traduisent chez le réalisateur une confiance à cadrer sa réalisation.
Réalisation qui va donner un ensemble certes linéaire et fluide mais légèrement hachée du fait de l’absence de Michael Kahn au montage (pour une fois !). Non pas que la caméra du Roi du divertissement fasse défaut ou soit style caméra embarquée mais sa réalisation va se lisser pour allier un classicisme à l’ensemble. L’absence de Michael Kahn se fait défaut mais le cinéaste parvient à s’en défaire en franchissant un cap, celui d’embaumer son histoire en un classicisme réconfortant et absorbée par sa magie et la musique de John Williams.
C’est un tout, et c’est la première fois que Spielberg arrive à enjamber ses débuts fracassants pour aboutir à un nouveau chef d’œuvre de science-fiction, un rien au-dessus de « Rencontres pour un troisième type ».
En cela, Steven franchit avec « E.T. » un nouveau pallier et confirme avec débrouillardise son sens de la mise en scène qui se fait ici certes de façon classique mais de manière tellement inopinée qu’il donne à son film une dimension tragique. Pour traduire, un nouveau maître de cinéma est né.


Pour conclure, « E.T. l’extra-terrestre » (1982) est un nouveau coup de maître et un chef d’œuvre de plus dans la filmographie de Steven Spielberg.
Un conte enchanteur envoûtant, une fable, une ‘rencontre du troisième type’.
Film pour les 7 à 77 ans. Mythique.


PS : « E.T. » remporta sept prix en 1983. Rien que ça ! Oscar du meilleur son, de la meilleure musique (John Williams), des meilleurs effets spéciaux (Carlo Rambaldi et Dennis Muren), du meilleur mixage sonore, Bafta de la meilleure musique, Golden Globe du meilleur film dramatique (Spielby) et de la meilleure musique (Williams).


Spectateurs, si vous aimez la magie, ’téléphonez maison’…


La suite pour le nouveau maître des 80’s ?
« La quatrième dimension », film à segment dont il signe un épisode et dont les trois autres sont réalisés par Joe Dante, John Landis et George Miller.
Puis « Indiana Jones et le temple maudit » (1984), deuxième volet de la saga de l’intrépide et désormais célèbre archéologue. Le résultat au box-office ? Affaire à suivre…

brunodinah
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le 19 mars 2020

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