Elephant
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Elephant

Court-métrage de Alan Clarke (1989)

Constitué de 18 meurtres, chaque fois des exécutions, en autant de séquences plus ou moins similaires, Elephant se déroule dans les rues de Belfast, dans des lieux ordinaires, bâtiments délabrés, entrepôts, parcs, stations-services, bureaux. Chaque séquence dévoile d’abord un plan d’ensemble situant les lieux, relayée par un travelling, accompagnant le tueur ou le tué, plusieurs secondes durant, suivi d’une mise à mort très découpée (Plan arme, plan impact et/ou plan lointain) avant de repartir sur un travelling raccompagnant le tueur et finir en plan fixe, d’une vingtaine de secondes, sur le cadavre abandonné dans le silence.


 L’approche radicale et ouvertement répétitive, lesté de tout attribut narratif, permet au film d’être le portrait d’une Irlande, plongée en pleine guerre civile, dominée par le crime, guerre religieuse entre protestants et catholiques. En 1988, Belfast compte en effet plus de 2000 meurtres religieux depuis vingt ans, montrés à la chaine, banalisés chaque soir dans les journaux télévisés et reproduit ici synthétiquement dans un essai de cinéma singulier. Clarke, cinéaste de la violence, est arrivé à son point de rupture : La narration ne l’intéresse plus. Il refuse pourtant de mentir sur ses partis pris. Il ne s’agit pas de reproduire le réel par le cinéma mais de retracer la cruauté de ces mises à mort, de montrer la succession comme dans les médias, sans caractère accrocheur mais en rendant leur pouvoir de réalisme, mécanique, désincarné.
Ainsi voit-on ce que l’on ne voit jamais dans un meurtre au cinéma. La marche l’atteste, autant que les violents coups de feu, brutaux, sans jamais esthétiser la violence. Chaque personnage est différent d’une séquence à l’autre. Chaque acteur est différent. « Actors » c’est le premier mot du générique final, il n’y a aucune tentative de mensonge. Il y est en tout cas très difficile de distinguer les bourreaux des victimes, qui se distinguent par un pas décidé, une démarche mécanique, de nuit comme de jour. Les personnages sont anonymes, les lieux sont anonymes, il n’y a ni parole, ni musique. Finalement, si la démarche de Gus Van Sant, qui s’en inspirera est volontiers plus poétique et douce, le carnage est le même, ordinaire, absurde et raconte aussi un drame sans vraiment le situer.
JanosValuska
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le 7 juil. 2016

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JanosValuska

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