En avant
6.8
En avant

Long-métrage d'animation de Dan Scanlon (2020)

La magie et l’univers du Seigneur des anneaux mélangé avec notre monde actuel


Que seraient devenus ces mondes où existent elfes, trolls, licornes, mages et autres créatures issues des univers Heroic Fantasy s'ils avaient dû faire face aux progrès technologique? Partant de là, « En Avant » transpose tout ce beau monde dans une nouvelle société où la magie a été oubliée, où tous ses personnages fantastiques sont devenus des êtres humains lambda ayant délaissé leur véritable nature. Les cyclopes ne galopent plus, les licornes errent dans les rues telles des chiens errants fouillant les poubelles, les magiciens, trolls, satyres et tous les autres ont un job d’humain. La magie semble avoir disparue, troquée par des voitures, électricité et des smartphones.


Au milieu de cette vie routinière et déconnexion à la nature, par le biais de deux ados en tout point normaux, fantastique et geekeries viennent tout bouleverser. « En Avant » se transforme en road trip d'aventure où la culture geek va montrer qu'elle sert à quelque chose et qu'elle est inspirée de choses qui ont existées, devenant un sac de réponses dans lequel deux frères vont y extirper des informations pour avancer dans leur quête visant à revoir une dernière fois leur père décédé.


Il y a des airs de « Coco » là-dessous. Pas particulièrement bien vendu et devenant au final une pépite à voir et à revoir. Au départ, tout comme Coco avant lui, je n'éprouvais pas une grosse excitation à l'idée d'aller voir « En avant ». Je l’avoue, depuis ce carnage qu’a été l’adaptation Live Action du Roi lion, de la future phase 4 du MCU, et toutes ses histoires de rachats de studios et de franchises, ma confiance pour Disney a baissée. Pas en ce qui concerne les films animés mais sait-on jamais. Les studios savent me prendre par les sentiments. Dès les premières secondes lancées d’ « En avant », quelle claque! Ce visuel, cet univers, cette narration proche d’un Shrek inversé, ces personnages extrêmement attachants et cette thématique si chère à mon cœur, je ne m'attendais pas à être si pris par cette histoire.


Ca n’a pas un univers si riche à la « Vice-Versa », mais le design des personnages collant aux mythologies, ses jeux d'ombres, de lumières incroyables, ces musiques, cette ambiance de road trip rock, cette volonté d’aller au fond des choses, sur le fond, ça ne ressemble pas tant que ça à du Disney. De plus, Pixar va jouer au jeu dangereux de la prise de risques, assumant son œuvre jusqu’au bout pour conclure son arc principal d’une façon improbable.



Il faut prendre des risques dans la vie pour connaitre l’aventure.



Quand Pixar prenait par surprise en mélangeant mélodrame à humour et fantastique


Deux frères sur les routes sous une musique rock, dans un van, le tout sous une ambiance héroic fantasy. Ca ne vous rappelle pas les frères Winchester de Supernatural? D'accord, nous sommes loin des deux frangins combattant du monstre mais leur look est presque similaire et surtout pour ce qui est de leur relation, celle des frères Lightfoot est aussi forte. Et puis Disney c’est des mots inspirants et des musiques poignantes décuplant vos sensations vous assurant de verser une ou deux larmes. Ca commence plutôt bien tout ça et vous auriez tord de penser qu’ « En avant » sera un peu moins parlant et puissant que toutes les autres œuvres de chez Pixar. Dans la veine du duo Tadashi et Hiro Hamada dans les Nouveaux Héros, la relation entre Ian et Barley Lightfoot prend au cœur. Elle est le pilier de ce long métrage.


Pareillement à Zootopie avant lui, le monde fictif proposé ici n’existe pas uniquement pour le fun, il existe en grande partie pour critiquer notre société actuelle perdant son humanisme, oubliant le monde qui l'entoure, et rejetant tout ce qu’il a été.


La magie a été avalée par la technologie, la vie routinière et facile de ce monde. Nos créatures fantastiques ne sont plus ce qu’elles étaient. Regardez l'exemple flagrant de cette ancienne et vaillante Manticore obligée de s’adapter à cette nouvelle époque en changeant carrément toute la déco de sa taverne pour la transformer en un restaurant familial dont les clients peuvent noter la qualité sur Trip Advisor.


En Avant : premier film sur les relations fraternelles


Les valeurs familiales ont toujours été très chères chez Disney et Pixar, mais pas que. « En avant » va plus loin, accentue bien sur l'importance des souvenirs, le respect de l'histoire et des cultures anciennes. Les messages sur le deuil et les relations fraternelles, finalement plus nous avançons dans l’histoire, plus l’on s’aperçoit que ce film est plus aboutit sur le fond que sur la forme, surprenant de nombreuses fois en reprenant en parallèle les codes du genre héroic fantasy et les détournant de façon habile.


La fraternité, nous en avions une illustration brève chez Le roi Lion, Merlin l’enchanteur ou dernièrement via Les Nouveaux Héros. Jamais une relation fraternelle n’avait été explorée en profondeur. Pour des relations entre sœurs là, il y a juste à toquer à Arendelle. En effet, que ce soit le premier ou le deuxième opus, Disney a sû trouver les mots pour illustrer la relation Elsa/Anna dans la Reine des neiges. Pixar peut aussi le faire, sans chansons, sans roucoulades, « En avant » est le premier film à parler de relations fraternelles. L’alchimie entre Ian et Barley fonctionne dès leur première interaction. Ils ont beau être différents de nous d’un point de vue physique, ils nous ressemblent en tout point coté personnalité.


Ian par exemple c’est le frère casanier au cœur d’or, solitaire, mal dans sa peau, cherchant à évoluer, s'améliorer pour ressembler à son père. Il a même fait une liste de ses objectifs. Vous reconnaitrez en ce jeune elfe de 16 ans cette maladresse et nervosité légendaire empruntée à Linguini, le cuisinier de Ratatouille.


De l'autre coté, à l’opposé de son frère cadet, nous avons Barley le balèze insouciant, optimiste, indépendant qui malgré son physique et son look rock le faisant prétendre à être une vilaine brute va gagner une grande place dans notre cœur. Barley on l’aime pour tout ce qu’il incarne. Il rêve d’aventure, d’accomplir quelque chose d’important, il est rempli de sagesse, de valeurs humaines, encourage son frère à s’affirmer, changer d’opinion sur les légendes. Surtout Barley, il ressemble à un gros geek passionné d’heroic fantasy et fervent défenseur du patrimoine, et tant pis si il s’attire des problèmes auprès des forces de l’ordre dont fait parti son futur beau père. Durant ce road trip, chacun ouvrira son cœur, se confiera à l’autre, apprenant à se voir d’une nouvelle façon. Le duo marche parce qu’il sonne vrai, qu’il parle à ceux qui ne sont pas fils/fille unique. Si ce n'est pas le cas, il pourra y avoir une légère baisse d'émotion.


En plus d’une partie du père Lightfoot étoffant le tout (sur ce point les scénaristes ont trouvé une alternative géniale pour ne pas effrayer les plus petits), nous avons Guinevere qui, sous ses allures de van customisé en fin de vie joue le quatrième personnage de l’histoire. Un personnage bien plus important qu’il n’y parait. Pour que toute cette histoire et ses relations sonnent authentiques, Dan Scanlon a puisé dans les souvenirs de sa vie avec son frère et son père pour écrire ses personnages. Il sera honnête avec les enfants sur tous les plans et n'hésitera pas à les mettre face à la plus douloureuse épreuve que celle de perdre un être cher. « En avant » ne parle pas que de frères, il reparle de deuil et des souvenirs, se rapprochant de Coco sans chanter et parler de culture Mexicaine. Et pas de squelettes parlant non plus !


Sur les traces de Coco


Oui, « En avant » marche sur les traces de Coco, continue le travail tout en bossant sur la thématique de la fraternité. La relation Ian/Barley a été véritablement écrite avec une grande justesse. Ca sera poignant, inspirant, prenant et sincère. Vous n'allez pas pleurer pendant tout le film, ne serez pas déprimé, morose pendant les plus d'1h40 qui vous attendent. Le trio Ian, Barley et les...jambes de leur paternel offrent tout ce que l'on désirait: du rire, de la subtilité dans les propos, dans le visuel, et une bonne dose d'émotion. Il ya de la joie dans « En avant », de l’optimisme, du ROCK cool et bien entendu, une galerie de personnages hauts en couleurs. Un paquet de personnages se rajoutent à mesure de l'avancement de l'histoire et vous serez là aussi ravis d'apprendre qu'ils sont tous très attachants car tellement proches de nous.


Si Ian et Barley deviennent d’emblée nos chouchous, d'autres viennent s'ajouter. Laurel, leur mère dépassant le stade de simple mère au foyer, Corey la Manticore (doublée par Maïk Darah, la célèbre doubleuse officielle de Whoopi Goldberg toujours aussi énergique !), des fées devenues bikers, des centaures et des cyclopes devenus des flics.


N’oublions pas les bonnes habitudes : mélanger les émotions et bien le faire. A la dramaturgie s’invite l’humour, ici plus axé comique de situations que gags de chutes/jeux de mots. Un humour moins présent que les autres Disney, une envie sans doute voulue par le réalisateur. De leur coté les scènes d’action sont intenses, signant une aventure digne du Seigneur des anneaux en un peu moins épique et dans un monde modernisé. Les fans de fantasy, de jeux de rôles à la Donjons et Dragons prendront plaisir à voir tout ce qu’ils aiment transposer dans une société en tout point semblable à la notre. Surtout, lors de notre road trip, cette passion dépassera ce qu’elle est puisqu’elle sera utile à nos deux héros pour avancer dans leur quête.



Dans une quête, le bon chemin n’est pas toujours celui qu’on croit.



Au final, « En avant » c'est le genre de film qui fait du bien. Une histoire émouvante, des personnages attachants car proches de nous, un duo de frère émouvant, des musiques rock, un scénario peu original mais des propos originaux, des émotions authentiques, une nouvelle quête se transformant en apprentissage et quête identitaire changeant à jamais deux frères. Pixar trouve toujours les mots et les personnages qu’il faut pour nous aider à croire en nous, avancer et nous amener à revoir nos relations familiales et amicales. « En avant » l’accentue bien et le fait bien.

Jay77
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le 4 mars 2020

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Jay77

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