Stéphane Brizé et Vincent Lindon c’est une affaire qui roule. Après les très beaux et émouvants « Mademoiselle Chambon » et « Quelques heures de printemps », les deux hommes ont travaillé ensemble sur « La Loi du marché », une œuvre très sociale. Dans ce film, ils pointaient du doigt la difficulté de retrouver un emploi lorsque l’on est dans la cinquantaine et les conséquences que cela peut avoir sur un foyer. Déjà présenté à Cannes (à l’instar de « En guerre ») en compétition officielle, ce film avait valu à Vincent Lindon le prix d’interprétation. Et après avoir vu leur nouvelle collaboration, on ne peut qu’être soufflé par la composition encore une fois magistrale de l’acteur qui pourrait briguer une nouvelle fois ce prix cette année. Intense et engagé, le comédien incarne un syndicaliste qui se bat contre la fermeture de son usine avec une ferveur et une conviction sociale que l’on sent entière. Sa prestation est tout bonnement incroyable, il nous émeut et parvient à nous emmener dans sa lutte ; on le croirait vraiment ouvrier dans cette usine. Il ne compose plus le rôle qu’on lui a proposé ici, il le devient. Une incarnation d’un personnage proprement époustouflante et qui fera date. Tout comme la manière dont Stéphane Brizé filme sa révolte sociale. « En guerre » ressemble à un documentaire encore plus que son précédent long-métrage, c’est vraiment un film 100% à portée sociale. On a l’impression d’être réellement avec les syndicats, de participer à leur lutte, car le cinéaste pose sa caméra à distance des personnages comme un observateur ou un reporter invité à filmer ce combat entre patrons et ouvriers. Le fait de prendre pour la plupart des comédiens non professionnels et donner le ressenti qu’il leur laisse une grande place pour l’improvisation renforce encore cette impression. On est donc à cheval entre la fiction (on le sent basée sur beaucoup de recherches) et le documentaire, ce dernier genre donnant un sentiment de véracité encore plus fort au film.
Durant près de deux heures, à la manière d’un thriller social, Brizé nous emporte avec lui dans un combat de l’acabit de celui entre David et Goliath. D’une façon encore plus puissante que ce que Ken Loach a pu faire durant toute sa filmographie, ou en tout cas de manière plus extrême, il dénonce le capitalisme forcené qui gangrène notre pays et ses sites industriels ainsi que les licenciements de masse à la faveur des profits des actionnaires et des grands patrons. « En guerre » est un film terriblement d’actualité et un pamphlet anti-capitaliste féroce. Si le metteur en scène se défend de prendre parti pour l’une ou l’autre cause, c’est un film engagé contre l’oppression des travailleurs qu’il nous offre. Il décortique ce qui pousse des salariés à en venir à des extrémités comme peuvent nous abreuver les médias en cas de conflits sociaux. Ces derniers sont également pointés du doigt avec intelligence. On assiste avec passion aux réunions entre chef de syndicats, patrons et représentants de l’état mais aussi aux débats entre syndicalistes, des moments qui pourraient s’avérer aussi intéressants qu’un reportage sur TF1 mais que le cinéaste transcende et rend instructifs. Il parvient à nous prendre aux tripes de manière assez incroyable. Mais il recrée également des scènes de combat qui virent au pugilat ou les dissensions au sein même des syndiqués. Des moments filmés comme des scènes d’action où les paroles, les cris et le brouhaha remplacent les armes et les cascades. « En guerre » est certes d’un abord rugueux. Mais il se révèle un film nécessaire, documenté, puissant et engagé. C’est une sacrée expérience de cinéma dont on ressort les jambes et le souffle coupé. Sans oublier une bonne dose d’émotion qui affleure et trouve son apogée dans un final tétanisant.
Plus de critiques cinéma sur ma page Facebook Ciné Ma Passion.