Dans le Lot-et-Garonne, Perrin Industrie et ses 1 100 salariés, autrefois leaders de la sous-traitance automobile, vont être liquidés par l’actionnaire allemand du groupe. Laurent Amédéo, campé par Vincent Lindon, se tient en première ligne. Avatar cinématographique de l’ex-leader syndicaliste de Continental Xavier Mathieu, il poursuivra la lutte jusqu’à la fin. Peu importe laquelle.
Huitième long-métrage de Stéphane Brizé, dont le cinéma réaliste et militant lui vaut d’être surnommé le « Ken Loach français », En Guerre raconte la lutte à mort, l’épuisement, la machine économique qui broie les hommes et les femmes. Témoigne de la violence d’un système fou où les décisions d’un seul costard-cravate à Berlin mettent des milliers d’existences sur le carreau dans le sud de la France.
Mais En Guerre a l’intelligence d’être plus subtile que ça, de montrer toute la complexité du sujet : les « jaunes » qui finissent par céder, par accepter des baisses de salaire, car la lutte les épuise. L’envoyé du gouvernement, qui veut apaiser les tensions mais se montre finalement impuissant. C’est une guerre de pouvoir, à tous niveaux : de l’échelon le plus bas, au sein même des employés, à celle que se livrent gouvernement élu et entreprise privée.
Pour coller au plus près de la réalité, Brizé a fait un choix très politique : tourner dans une véritable usine sur le point de fermer, et prendre de vrais ouvriers pour jouer la plupart des personnages. Pari réussi : il en découle une puissance de jeu digne des plus grands. En Guerre est une claque : au générique de fin, il vous faudra plusieurs minutes pour vous relever de votre siège.
Critique initialement publiée sur Arrête ton Cinéma, dans le cadre du Festival Politikos 2018.