Le contre-champ final : le drop the mic de Denis Villeneuve

La fameuse intrigue du personnage à la double identité ! Maintenant ça passe ou ça casse. En fait les possibles issues sont très limitées généralement, soit on met tout sur le dos d'une éventuelle maladie (notamment la schizophrénie), soit c'est le fameux jumeaux caché qui aime se révéler pendant ce que j'appelle un Scoobydoo-twist.
Bien que de nombreux téléfilms ont pu me décevoir, c'est le film français l'Amant-able euh... L'Amant double qui m'avait donné le coup de grâce, me poussant aujourd'hui à être vigilant face à ce genre d'intrigues. Denis Villeneuve ou pas, j'ai donc tout de même visionné le film baïonnette à la main, prêt à faire feu... Crick-crick.


Finalement, je n'ai même pas cherché au premier abord à juger l'explication de cette mystérieuse double identité puisque chafouin est Villeneuve dans sa mise en scène. Direction artistique et photographie sont fil d'Ariane, tandis que le personnage arachnid fait figure d'épée de Damoclès. Un petit bijoux de cinéma dont la satisfaction ne se limitera pas à la révélation du twistant twisté.


Je portais déjà des éloges sur les autres œuvres du réalisateur. Cette ingéniosité à présenter une série d'objets, de textes, d'accessoires et de longues séquences de façon très intuitive améliorant considérablement la compréhension de l'histoire.


Les lettres et les photos dans Incendies, la pâte à modeler et les dessins dans Arrivals, les bracelets en caoutchouc dans Sicario. Ici, c'est l'araignée.
La velue à huit pattes se révèle comme la métaphore filée évocatrice de thèmes majeurs et connexes de l'oeuvre : la fidélité, la fatalité, les pulsions et les dysfonctionnements issues des relations amoureuses. Fort de sens, et arachnid-ement phobique.


Face caméra, Jake Gyllenhaal fusionne avec son personnage, tant il est convainquant. Il sait pertinemment bifurquer comme bon lui semble d'un sentiment dissimulé à un sentiment de peur prononcé, puisant dans son infini continuum émotionnel, ce sans même jamais basculer dans le sur-jeu. La performance est capturée à de multiples reprises dans plusieurs très gros plans.
Comme un instrumentaliste doté de l'oreille absolu, un Gyllenhaal souscrit au jeu absolu : identification et retranscription d'une émotion sur commande délivrée. Tingue - c'est prêt. A table.


Avec Enemy, la thématique redore son blason en nous rappelant que l'horreur psychologique n'est pas le seul sous-genre du cinéma à pouvoir exploiter le sujet de la double identité. Shutter Island et Enemy, bien que traités de manière différents, en seront les principaux témoins.


Si quelques longueurs se font ressentir au trois quart du film, le réalisateur monte en puissance. Enfin quand il présente sa scène terminale et son contre-champ final, (petit sursaut en passant): "CLAP", il tombe le micro, et le générique défile... Pendant ce temps-là le film continue dans ta tête et ça...
C'est le pied !

Jordan_Michael
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le 7 nov. 2017

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