On m'en avait parlé de ce film. Jim Carrey triste et romantique ? De la SF par un réalisateur français (autre que Besson) ? Mais quelle était cette chose ?
J'ai eu la chance de le voir pour la première fois au cinéma, lors d'une "Reprojection de Classiques" de 2020 (vive UGC). Et étrangement, il ne m'avait pas plus plu que ça : oui il était bien, mais bon, je m'attendais à mieux.


Cependant, j'étais intrigué, presque fasciné par ce film. Je sentais qu'il y avait quelque chose de fort dans ce film qui me passait au-dessus de la tête, et qu'il fallait que je le revois plus tard pour mieux le comprendre.


Et un jour, je suis tombé amoureux. Et ça c'est mal fini. Et je me suis dit "tiens, pourquoi ne pas revoir ce film ? Il était bien et il pourrait peut-être m'aider".
Et j'ai compris.


La justesse de ce film est incomparable. Que ce soit dans ses mots que dans les sentiments qu'il veut montrer, ils sont toujours justes, jamais surfaits, jamais exagérés - alors même que l'histoire est une pure science-fiction. Gondry arrive à nous projeter dans cette histoire d'effacement de mémoire comme si nous étions en train de la vivre, comme s'il n'était pas si inaccessible et irréel. Et après tout, qui n'a jamais eu envie d'effacer quelqu'un ou une partie de sa vie de sa mémoire ? Si cette technologie existait, je suis persuadé qu'elle aurait du succès. Et c'est ça qui fait la force du film : on y croit à cette technologie, et à ces personnages qui ne veulent plus se rappeler - que ce soit Joel et Clementine que la dame dans la salle d'accueil de Lacuna tenant les affaires de son chien mort pour effacer celui-ci de sa mémoire. Plusieurs fois j'ai eu l'impression que les personnages parlaient à ma place... et qu'est-ce que l'on peut faire face à quelque chose d'aussi sincère, à part rester humble devant une telle œuvre (et pleurer) ?


La justesse du film est renforcée par ses images magnifiques. Presque chaque plan du film est une peinture (ou du moins une affiche) à la colorimétrie léchée : à chaque fois que je vois la scène où Joel et Clementine s'éveillent dans leur lit au milieu de la plage, je suis émerveillé - mon dieu, qu'est-ce que c'est beau, j'ai l'impression d'y être ! Aussi, cette plage filmée de mille manières différentes reflète toujours l'état des personnages qui s'y promènent - et c'est le cas de tous les lieux du film. Les lieux ne sont pas juste des toiles de fond, ils participent au récit, au sentiment global de la scène, ils ne sont jamais là simplement pour la décoration ; et au final, Eternal sunshine of the spotless mind est l'un des seuls films dont je me suis clairement souvenu des lieux après l'avoir vu seulement une fois. La plage de Montauk, le train, la maison de Joel, le lac glacé... Je me souviens d'eux comme des personnages du film.


Et la musique, mon dieu la musique. Ce thème principal me hante depuis que j'ai vu le film ! On peut d'ailleurs remarquer dans celui-ci l'utilisation du reverse : en effet, si vous écoutez bien, il y a en toile de fond du morceau le thème inversé - comme si même le thème principal du film voulait remonter le temps pour oublier quelqu'un. C'est un thème fascinant, obsédant, qui ne vous quittera plus jamais une fois que vous l'aurez écouté : chaque minute de votre vie sera imprégnée de ce thème (je vous l'assure), car lui aussi est d'une justesse absolue et colle parfaitement à la vie quotidienne - et tout comme j'avais l'impression qu'à certains moments les personnages du film parlaient à ma place, vous aurez l'impression que la musique s'accommode parfaitement à tous les instants de votre vie.


Mais le plus fort dans ce film, c'est le message.
Vous aurez sans doute remarqué le titre de cette critique venant de la chanson All of me (John Legend) : "même quand je perds, je gagne" (oui, c'est beaucoup plus moche en français). Voilà le message du film.
Même si l'on vit la plus sordide histoire d'amour, qu'elle nous laisse abattu, sans ressources, désespéré, on y gagne. On y gagne des souvenirs, des sentiments qui, à un instant de nos vies, ont valu le coup de vivre. Et même si ces sentiments nous détruisent maintenant, il est mille fois mieux d'apprendre à passer outre plutôt que d'espérer oublier des choses aussi fortes.
Joel et Clementine en ont vécu des mauvais souvenirs. Des mauvais moments, des disputes exécrables, des insultes. Mais au final, la pire chose qu'il soit arrivé à Joel, c'est d'avoir oublié Clementine.
Alors, au final, comme tous les personnages du film, on ne veut plus de cette technologie. On ne veut plus oublier, on veut se rappeler de tout comme pour ce film dont on se rappelle même des lieux. Se rappeler, souffrir un instant, pour mieux vivre ensuite. Parce que la vie est belle même lorsqu'elle nous laisse des souvenirs tristes qui nous rendent nostalgiques : car ces souvenirs sont une partie de nous et qu'il faut apprendre à s'aimer, tout simplement.


https://www.youtube.com/watch?v=u3DqnTl_D8k

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le 9 avr. 2021

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PuduKazooiste

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