Collaborateur de longue date de Danny Boyle (les scripts de 28 jours plus tard et Sunshine, le roman de La Plage), Alex Garland signe avec Ex Machina son premier film derrière la caméra. Une fable d’anticipation qui nous présente Caleb (Domhnall Gleeson), gagnant d’un concours qui lui permet de passer une semaine dans le complexe hypermoderne – et sécurisé – de son boss, Nathan (Oscar Isaac), informaticien génial isolé dans la montagne, pour participer à ce qui va s’avérer une expérience sur l’intelligence artificielle. Là, entre bâtiments verrouillés, décors naturels isolés (façon Délivrance), cartes magnétiques, vidéo-surveillance et expérimentations sur fond de test de Turing (celui qui permet de déceler la faculté pour une I.A. d’imiter la conversation humaine), c’est à un véritable jeu du chat et de la souris que nous assistons entre l’humain et la machine prénommée Ava, interprétée par une troublante Alicia Vikander.


Le jeu du chat et de la souris façon Limier de Joseph Mankiewicz (1972) permet aux deux scientifiques de larguer assez rapidement les bagages trop théoriques du sujet pour jouer au huis clos à la fois cérébral (quand même) et physique (bâtiment, nature, corps). Propos aussi glaçant que le décorum, la mise en perspective des dangers de l’I.A. propose classiquement une mise en abime sur notre propre humanité. Renforcé par une réalisation sobre, efficace, presque chirurgicale, nous sommes témoin de quelques approximations (comment Nathan a-t-il pu réussir seul ?) mais également de scènes étonnantes (scène de la danse). Que le génie scientifique du faux démiurge soit représenté par un être aussi singulier, préférant se noyer dans l’alcool et l’exercice physique pour mieux déployer ses paraboles métaphysiques, en dit long sur le projet. A ce petit jeu, on pourra reprocher au film de ne pas suffisamment développer ce personnage, sorte de Zuckerberg grunge et destroyed. Heureusement, cet étonnant portrait reste admirablement porté par Oscar Isaac qui fascine autant son invité que le spectateur.


La lenteur globale du rythme ajoute à la paranoïa latente d’une action temporalisée : les étapes du processus sont numérotées, l’unité de temps clairement déterminé). Elle donne ainsi un vrai cachet à cette relecture du mythe de Frankenstein où Ava, androïde sexualisé, se fait tour à tour touchante, troublante, menaçante, manipulatrice. La liberté et l’émancipation sont à ce prix. Au petit jeu des faux-semblants, entre humains et A.I. (également représenté par Kyoko, humanoïde à tout faire), le jeu des artifices se déploie inexorablement. Traité comme un thriller psychologique, Ex Machina s’avère malgré tout plus maîtrisé que vraiment surprenant. Mais pour ses débuts, Alex Garland peut se targuer d’avoir réussi un film brillant, sobre et intelligent.


Cyrille Delanlssays


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le 25 août 2015

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