À partir d’un documentaire sorti en janvier 2019 et portant déjà sur la figure du tueur en série Ted Bundy – Conversations with a Killer: The Ted Bundy Tapes, découpé en quatre épisodes –, Joe Berlinger se propose d’incarner par la fiction ce personnage hors du commun dont les horreurs ont marqué l’Histoire de la justice américaine. Ce faisant, Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile réussit à donner vie et chair au personnage ainsi qu’à l’époque dans laquelle meurtres et procès se tinrent : le choix de Zac Efron pour camper le tueur fonctionne assez bien, dans la mesure où il partage avec Bundy sa gueule d’ange ainsi que d’une notoriété auprès d’un public essentiellement féminin, et c’est là tout le paradoxe puisqu’il est responsable de nombreux sévices perpétrés sur des femmes. Le long métrage ne s'attarde guère sur la mise en place de l'intrigue et expédie la romance lors d'une introduction assez déroutante puisque très rapide ; tout semble couler de soi-même, sans rencontrer d'obstacle, et la caméra du réalisateur enchaîne les travellings pour accroître cette impression. La très grande force du film est aussi ce qui conduit sa clausule à pécher par facilité : Berlinger parvient à créer autour du couple principal une tension autant érotique que démoniaque qui permet à l’un de vivre dans une confiance en soi jamais remise en question, ce qui condamne l’autre à endurer la responsabilité non seulement des meurtres, mais également de l’inculpation d’un possible innocent. Et se tient là une différence fondamentale entre le documentaire et la pure fiction : les images d’archive du premier cantonnent le réalisateur à la véracité des faits, alors que la liberté fictionnelle se saisit d’une affaire pour en exploiter l’énergie vitale, c’est-à-dire ici la tension insoutenable entre Zac Efron et Lily Collins. On ne peut alors que regretter une fin où les enjeux du réel emboîtent le pas à la longue et passionnante construction d’une angoisse liée au doute sur la responsabilité de Bundy. Certes, l’issue était connue. Mais le cinéma ne doit pas se réduire à illustrer, archives à l’appui ; il doit avant tout faire ressentir.