Fatale
5.9
Fatale

Film de Louis Malle (1992)

La passion selon saint Malle

Mal aimé par la presse et par le public, l’avant-dernier film de Louis Malle, s’il n’est pas exempt de quelques défauts (des longueurs et des scènes inutiles), donne pourtant à voir l’exact enchevêtrement d’Eros et de Thanatos dans toute son inéluctabilité, et l’égarement aussi d’une passion aveugle plus forte que l’entendement, détruisant tout ce qu’il y a de plus cher et de plus primordial. Comme une danse de mort sensuelle rythmée par des ébats d’une absolue beauté, Stephen et Anna se cherchent et s’empoignent, s’aiment et se cognent, consumés chacun par un besoin violent, pur et tragique. Cette histoire convenue d’un adultère qui finira mal est sublimée par l’ivresse de l’autre, de son corps et de sa peau.


Stephen et Anna se parlent peu parce qu'ils n’en ont pas besoin ; c’est avant tout dans l’expression physique de leur désir, muet et littéral, que se concrétise leur relation. Les scènes "érotiques", pour peu qu’elles donnent à voir quelque chose (ce qui n’est jamais leur objectif), sont surtout d’une magnifique intensité, chorégraphies charnelles et silencieuses dans lesquelles Anna semble s’abandonner, y oubliant son exigence, sa singularité, n’étant capable de révéler sa grâce et son mystère qu’en ces instants de contorsions corporelles où l’âme est plus à nu que la chair. Qui est Anna, que représente-t-elle ? Que cache-t-elle derrière ses blessures d’enfance et son apparente austérité ?


Stephen, aveuglé par son aura énigmatique, paraît en avoir peur (lors d’une étreinte, il s’écarte brusquement d’elle comme s’il était effrayé) et en même temps veut la conquérir absolument, entièrement, au-delà de la morale et de la raison. Leur liaison n’a rien à voir avec de l’amour, elle est avant tout affaire de possession, voire de vampirisme. Jeremy Irons et Juliette Binoche sont en adéquation parfaite, leur alchimie est plus qu'évidente, quasi palpable à travers l’écran, lui habité, fébrile et incandescent, elle insondable, altière et vénéneuse. Transportés par la musique mélancolique de Zbigniew Preisner et la mise en scène délicate de Malle, ils incarnent fiévreusement ce couple maudit plongé dans les arcanes des sentiments et de l’exaltation.


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mymp
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le 8 févr. 2013

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