Wow ! Passer de Camping Cosmos à ça, c'est impressionnant ! Je m'attendais à voir une comédie potache tout juste passable sur fond de crise sociale, et finalement, ce troisième volet de la vie sexuelle des belges est un documentaire politique puissant et inventif.


Le film revient sur des événements antérieurs à ma naissance dont je ne connaissais rien, mais c'est une histoire qui se répète inlassablement : une entreprise annonce la fermeture d'une usine, les employés et les syndicats manifestent, les politiques défilent à leurs côtés, mais le PDG maintient sa position et fait quand même fermer fermer l'usine. En France, on connaît ce théâtre : les candidats aux élections présidentielles font toujours un tour dans les usines en difficulté, et elles finissent toujours par êtres fermées (cf Whirlpool en 2018, qui a été délocalisée en Pologne). Tout ça nous est donc très familier.


Comme souvent dans ce type de films, on est galvanisé par l'esprit de révolte qui habite les personnages : les gens sont en colère, ils ont des discours puissants, appellent à la révolution, crient leur haine envers le capitalisme et l'état. Jan Bucquoy ne se focalise pas sur de longs discours, il filme avant tout la foule, mais se permet quelques interviews. Quelques politiciens français (Jospin, Chevènement ou Hue) font de courtes apparitions, ce qui permet d'inscrire le récit belge dans une réalité française (étant celle que je connais la mieux, ça m'arrange bien). Le réalisateur se met en scène plusieurs fois, notamment face à des flics, et on voit qu'il n'a pas une très haute opinion d'eux ; néanmoins, je trouve courageux et honnête d'avoir laissé au montage une scène dans laquelle un manifestant lui rétorque que les policiers sont similaires à des ouvriers (ce à quoi Jan Bucquoy n'a pas vraiment l'air d'adhérer). Le rythme fonctionne très bien car la révolte ne s'arrête jamais, on est vraiment plongé dans le feu de l'action, et quelques pauses bienvenues nous permettent de nous reposer.


Ces pauses, parlons-en : le réalisateur se met en scène avec sa compagne dans leur vie sexuelle, et c'est franchement pas très utile. Je ne comprends pas ce que ça vient faire là, et ça rajoute une touche auteurisante assez désagréable. Néanmoins, ça permet d'introduire la conclusion du film, dans laquelle Jan Bucquoy réécrit la fin de l'histoire avec un délire meurtrier foutraque et joyeux. C'est très puissant car on sent que ça a été fait avec amusement et rage, c'est un défouloir, et je trouve que c'est une très bonne idée de se laisser aller à ses fantasmes politiques comme ça. Globalement, tout le film est fait en s'amusant : les images d'archive servent non seulement à inscrire ces manifestations dans l'histoire (avec des magnifiques passages d'Octobre, mon Eisenstein favori), mais font aussi l'objet de montages amusants. Il y a un petit esprit "collage / jeux de mot / impertinence" très typé Nouvelle Vague sans en faire trop, et ça me plait beaucoup. Le documentaire a vraiment un ton très libre qui le rend marquant.


Et puis rien que pour le geste, je trouve ça génial de mettre en gros sur l'affiche "La vie sexuelle des Belges" pour se retrouver avec ça... J'ai lu sur Wikipedia que Jan Bucquoy était situationniste, et ça a du sens d'aguicher le spectateur avec ses instincts primaires pour au final faire un film où la sexualité n'est pas le sujet... (Ou peut-être que je n'ai pas compris le concept de cette "saga", ce qui n'est pas à exclure.) En tout cas, c'est vraiment un documentaire à voir pour peu qu'on s'intéresse aux mouvements sociaux, à la politique, ou tout simplement qu'on cherche un film très libre !

jpaix-LE-RETOUR
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le 18 janv. 2022

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