Troisième film de Bennett Miller, Foxcatcher raconte une histoire vraie, celle d'un lutteur, Mark Schultz, médaillé d'or en lutte aux Jeux Olympiques de Los Angeles en 1984, qui va être pris en mains par un homme à la fois très riche et fantasque, John du Pont. Le frère du premier, David Schultz, va être l'entraineur pour le mener une nouvelle fois à la victoire lors des Jeux se déroulant à Séoul en 1988.
Je ne savais pas du tout de quoi parlait le film, et j'ai été très surpris de son atmosphère presque morbide qui s'en dégage. Il y a là-dedans une grande froideur qui peut rebuter, une mise en scène presque clinique, mais par la nature tragique de cette histoire, il y a quelque chose qui m'a complètement captivé durant les plus de deux heures de visionnage.
Il est évidemment beaucoup question de lutte, mais aussi de prestige, où les premières scènes montrent Mark Schultz, interprété par un Channing Tatum d'une grande fragilité, vivoter, faire des conférences à des lycéens, malgré sa médaille d'or ; il n'est pas reconnu. Cette offre de John du Pont est une occasion pour briller à nouveau, exister en somme.
Ce milliardaire excentrique est joué par Steve Carell, que je n'ai pas reconnu tout de suite à cause de son faux nez et de ses cheveux teints ! Tout comme Tatum, il incarne un homme fragile, à la différence près qu'il est très riche, et que cet argent permet de tout lui acheter, y compris cet homme qui va constituer une équipe de lutteurs, Foxcatcher. La nature de la relation entre les deux hommes ne sera jamais clairement établie, suggérant que John du Pont serait homosexuel et cette ambiguïté est aussi une des forces du film, avec quelques plans fugaces où celui-ci regarde ces lutteurs se bagarrer.
Impossible de ne pas citer le troisième rôle du film, le formidable Mark Ruffalo, qui a d'ailleurs pris pas mal de poids, qui incarne la raison entre les deux frères, mais l'admiration le poussera à entrainer David car bien qu'il ait arrêté la compétition, il restera coach.
J'avoue qu'en suivant le film, je suis tombé des nues sur son déroulement, et sur la nature très étrange de John du Pont qui restera opaque jusqu'au bout, et sur les raisons profondes qui l'ont emmené à prendre en charge une équipe de lutteurs. Plaisir exhibitionniste ? Plaisir de se payer en quelque sorte des amis ? Plaisir de se libérer du carcan maternel ?
Il en résulte un film formidable, à la mise en scène impressionnante ; pour le coup, le prix décerné à Cannes 2014 ne fut pas volé. Les scènes de lutte sont toujours impeccablement filmées, on voit très bien comment se font les échanges. Je retiendrais comme moment incroyable ce plan-séquence où Channing Tatum, après avoir perdu une manche d'un combat, s'enferme dans sa chambre, et va casser un mirroir à coup de tête, puis s'empiffrer de nourriture disposée sur son lit. Pris de panique car il ne répond pas, son frère défonce la porte, et lui fait subir un régime sévère, à base de vélo où il est lourdement habillé. Toute la dureté de ce sport est là, la solitude, jusqu'à ce qu'une main vienne sauver. C'est tout là la parabole de Foxcatcher, que j'ai trouvé grand du début à la fin.