"War does not determine who is right - only who is left"
Fury est un film choc, un de ces films qui te prend à la gorge dès le début et qui ne te lâche pas avant le générique de fin. Fury, c'est avant tout le nouveau film de David Ayer, un habitué des films coup-de-poing ultra-réalistes (End Of Watch en tête), et qui réunit ici un casting de choix pour donner corps à des tankistes américains durant la World War II. Le filtre de lumière est sombre, la saleté fait corps à la pellicule, et le huis-clos âpre et abrasif permet de renforcer cette immersion totale dans le quotidien des soldats. Aux effets visuels viennent s'ajouter une musique grandiloquente, épique, sans être "m'as-tu-vu"; un savant mélange de John Williams et de Hans Zimmer, parfaitement adapté à l'oeuvre visée.
Comme dit précédemment, le film frappe fort niveau casting: Brad Pitt est au sommet de son art, en Sergent de troupe qui doit se montrer fort et intransigeant devant ses hommes, mais qui n'en reste pas moins affecté par les horreurs de la guerre. Les scènes où on le voit s'isoler pour fondre en larmes après la perte d'un coéquipier n'est en rien cliché, mais retranscrit au contraire parfaitement les sentiments des soldats au front, tiraillés entre l'honneur de la patrie et l'absurdité de la guerre. Totalement à contre-emploi de son rôle dans Inglourious Basterds où il se contentait de cabotiner avec sa petite moustache, ses scalps de nazis et ses dialogues tarantinesques, Brad Pitt est ici au cœur du combat, dans un rôle certes un peu trop magnifié en héros par instants, mais toujours auréolé d'une interprétation juste et grave.
A ses côtés, Shia LaBoeuf, qui ne cesse d'impressionner par son envergure d'acteur qu'il acquiert au fil de ses films. Au-delà de ses frasques hors-caméra, LaBoeuf demeure un acteur hors-pair avec une implication totale dans ses rôles. Le reste du casting est également d'une rare qualité, notamment le jeune Logan Lerman, qui s'émancipe ici de son image d'adolescent pour emprunter celle du jeune rookie confronté aux atrocités des hommes.
Il n'est pas question ici de message sous-entendu, ou de métaphore déguisée. Pas non plus de glorification d'un camp ou d'un autre, comme certains aiment à s'imaginer. Lorsque l'on se place du point de vue de quelqu'un, il arrive toujours un moment où l'empathie suscitée nous pousse vers des retranchements subjectifs. "Ah le salaud nazi, vas-y Brad balance lui une bastos en pleine tête". Mais Ayer n'est pas là pour susciter un quelconque engouement patriotique: il se contente de filmer le quotidien de ces soldats, tel qu'il a vraiment été vécu.
A aucun moment non plus le film se contente de faire du sensationnel. La guerre c'est sale, il y a des morts héroïques, des morts stupides, il y a l'attente du combat, il y a tout un tas de choses... Mais il y a surtout la peur. Parce que si nous ne tuons pas notre ennemi, c'est lui qui le fera; cette phrase semble complètement absurde tellement elle semble logique, mais dans ce contexte elle prend tout son sens et confronte les soldats à la réalité, à leur réalité. Cette peur transparaît sans cesse à l'écran, comme si nous étions nous-mêmes dans un tank entouré par une horde d'ennemis.
Les tankistes sont donc là pour faire ce pour quoi on les a envoyés en Allemagne ("The best job I've ever done" comme ils aiment à se le répéter avec ironie et désespoir) et c'est tout. Peu importe ce que leur conscience leur dit de faire, peu importe que le courage les a abandonnés ou pas, ils se tiendront face à l'ennemi jusqu'au bout. Et jusqu'à la fin, nous sommes avec eux.