Comme la guerre, la vie est profondément injuste. On en voudra toujours plus au film qui fait mine d’attaquer son sujet sous un angle un peu différent avant de finir avec de gros sabots crottés sur des sentiers battus consensuels et putassiers, qu’à celui qui empruntera le trajet inverse.
Gentleman, jamais il nique Fury
David Ayer n’a semble-t-il qu’un unique sujet d’intérêt, de passion et de mis en scène: l’homme viril.
L’homme viril qui risque sa vie tous les jours mais chez qui il y a un cœur qui bat.
Un cœur qui lui permet de porter l’amitié tout en haut d’un panthéon personnel héroïque, fait de valeurs fortes pétries de morale et de ferveur religieuse.
Rendez-vous compte: après avoir écrit les scénario de U-571, Fast and furious, Training Days, Dark Blue (d’après une histoire de James E.), ou SWAT, le garçon s’est dit qu’écrire une telle légende de la testostérone ne suffisait plus: il lui fallait les mettre lui-même en scène.
Et on peut dire que si l’angle change, le discours reste gravé dans le même marbre hagiographique. Que ce soit sous forme d’hommage (bad times, ou dans une moindre mesure au bout de la nuit), de found footage raté (End of watch) ou copie ridicule des 80s (Sabotage), le réalisateur ne cesse de tourner autour de ses chères obsessions.
Ici encore, l’homme est un loup pour l’homme mais, entre deux massacre, il n’oublie pas d’écraser une petite larme, claquer la fesse du pote et envoyer une petite prière au petit jésus.
Balles traçantes, balles masquées
Et foutredieu, que c’est cette fois agaçant ! Parce que l’angle était excellent. Parce que les films de chars ne sont pas légions. Parce que les scènes de combats sont à la fois spectaculaires et saisissantes. Parce que le sale portrait de la guerre et de ses bouchers ordinaires est d’abord assez glaçant.
On se prend donc à espérer un regard différend (comment ? Les héros de la WW2 machines à tuer sans âme dans un film made in Hollywood ?).
Mais rien n’y fait, Ayers replonge trop vite vers ses marottes. Le soldat volontiers violeur et ivre (donc terriblement banal) se fait vite remettre à sa place par le gradé vertueux qui ne se montre inhumain que quand le devoir ne l’exige. Car oui, dès que personne ne le regarde (sauf quand un miroir fourbement placé ne le dévoile), le chevalier vertueux souffre secrètement et porte sur son dos les stigmates christiques de son sacrifice.
Comme le christ sur la fin, ne jamais baisser les bras*
Et tout redevient américain et hollywoodien pour notre plus grande affliction, parce que l’espace d’une longue introduction, nous y avons cru (oui, nous restons de grands et naïfs adeptes du temple de l’image). A nouveau, le temps s’arrête pour laisser place aux violons quand un héros meurt dans les bras de son collègue, à nouveau les ennemis deviennent d’une stupidité et d’une inefficacité crasse, à nouveau l’innocence bafouée sera sauvée dans un final grotesque.
A nouveau, nous rageons de continuer à croire ou espérer que l’industrie du divertissement américain puisse avoir quelque chose à nous dire.